THE NIGHT BEFORE


Cette nuit, j’ai fait un rêve étrange. Quatre créatures ensorcelantes, si proches et si lointaines, à la fois familières et inaccessibles, m’ont emportée hors de mon lit, et m’ont fait voyager dans le temps, en compagnie d’apparitions qui n’en étaient peut-être pas. Leurs prénoms ne cessaient de rebondir et de se propager en échos dans ma tête. Michelle, Julia, Eleanor, Rita, Jude, Prudence, Loretta, Maggie, Martha ou Polythene Pam ; je ne sais plus très bien laquelle m’accompagna jusqu’au petit matin. Tout ce dont je me souviens, c’est que je n’aurais jamais voulu me réveiller…

VISIONS NOCTURNES

© Photographie Pascal Ito


Le regard ; tout dépend toujours du regard. Celui que l’on jette, celui que l’on soutient, celui que l’on porte, celui qui nous insupporte, celui que l’on baisse, celui que l’on lève… Celui des autres mais aussi celui que l’on porte sur soi-même. Celui des photographies, anciennes ou nouvelles, mais aussi celui du théâtre quotidien de la vie. Tous les regards qui nous concernent modifient nos angles de vision, nos axes de réflexion, nos perspectives d’action/réaction, nos modes de relation. Le cinéma que l’on se fait à soi-même ou celui que l’on projette devant les autres n’est qu’une succession de regards, figés ou animés, intérieurs ou extérieurs. On peut foudroyer ou caresser du regard. On peut couvrir ou déshabiller du regard. Un regard peut être oblique ou droit, superficiel ou profond, sombre ou éclairé, distrait ou indigné, fixe ou fuyant, fugace ou insistant…

« Et c’est parfois dans un regard, dans un sourire,
Que sont cachés les mots qu’on n’a jamais su dire
».
(Yves Duteil)

LA MALÉDICTION HOOLIGAN


Les incidents en pagaille qui ont entaché le dernier championnat de France de football et la violence qui refait régulièrement surface dans les stades du même sport, comme ces batailles rangées entre supporters ultras lors du duel européen entre Nice et Cologne cette semaine, ne font que renforcer un constat déplorable et récurrent : l’incapacité navrante des instances responsables à juguler un problème clairement identifié depuis des décennies. C’était l’occasion de remettre en jeu cette chronique diffusée sur Pink tv il y a presque vingt ans. Elle suggérait une hypothèse à la limite du hors-jeu concernant les racines de ce mal et de cette contamination qui, apparemment, ne sont pas près d’être éradiqués de nos vertes prairies artificielles.

“ 1970 ”


Elle s’appelle Reina del Cid et cela fait un petit moment que je la suis sur internet. Rachelle Cordova, pour l’état civil, est une chanteuse guitariste américaine originaire de Minneapolis, dans le Minnesota (USA). Avec sa complice Toni Lindgren à la guitare électrique, elle a repris avec brio bon nombre de standards pop. Durant ces dix dernières années, elle a sorti quatre albums originaux : Blueprints, plans en 2012, The Cooling en 2015, Rerun City en 2017, et Morse Code en 2019. Un cinquième, intitulé Candy Apple Red, vient d’arriver en cette fin avril 2022. Parmi les titres proposés, “1970” est un petit bijou de musique et de poésie. C’est l’histoire de…

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BRIGIGGY LENNON


En passant par la Lorraine et le Luxembourg, j’ai endossé ce week-end un rôle hybride de John Lennon et Iggy Pop, à la scène comme à la ville. Renouant avec mon petit village natal de Beuvillers (54), et sans doute avec une partie de mon adolescence, j’ai pris un plaisir non dissimulé à arpenter ainsi les abords de l’église et de la mairie, où je suis même allée voter, davantage par nostalgie exhibitionniste que par devoir civique. Je n’ai malheureusement revu aucun des complices de ma jeunesse, ceux ou celles avec qui nous montions des spectacles de fin d’année pour les anciens ou des fêtes patronales d’été à base de jeux inter-villages. Certains ont disparu, d’autres ont dû être retenus, cet après-midi là, par leurs familles ou les hasards de la vie. J’ai éprouvé cette étrange impression d’appartenir encore, de par mes racines, à cette terre austère qui m’a vu naître, sans toutefois éprouver le moindre regret quant aux décisions singulières qui m’en ont éloignée.

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OISEAU DE NUIT


« Je suis comme ces oiseaux de nuit, qui se posent sur une branche et n’y sont plus la seconde qui suit. On ne les voit jamais. On les entend à peine. Ils nourrissent les espoirs et désaltèrent les peines. Leur présence se devine. Leur essence est divine. Et leur absence avive le spleen. De tous ces oiseaux de nuit, on ne sait où sont leurs nids. Leurs petits sont déjà grands quand on surprend leur cri. Et personne n’a jamais su où ils s’en vont quand, une dernière fois, la nuit les suit. Je suis comme ces oiseaux de nuit. »

Brigitte Boréale

VIVA LA VIDA


Chemise noire et instrument blanc, chemise blanche et instrument noir, Luka Sulic et Stjepan Hauser constituent le duo de violoncellistes croates “2CELLOS”, déjà évoqué sur ce blog il y a quelque temps. Avec leur interprétation de “Viva la vida”, (une création originale du groupe britannique Coldplay), ils font montre, une nouvelle fois, d’un talent et d’une sensibilité remarquables. Profondeur et légèreté s’accordent pour développer des sentiments de saison, à mi-chemin entre la mélancolie d’un hiver qui n’est pas encore décidé à s’éclipser et la promesse d’un printemps qui parait encore bien incertain. Leur prestation en public ajoute une touche nostalgique, dans le contexte social et la brume existentielle qui sont les nôtres depuis deux ans, mais elle sonne aussi la révolte d’un optimisme dont le credo est universel. Viva la vida !

DÉCEMBRE ET DÉCADENCE


Le mois dernier, c’était l’étoile du salon, la star du living-room. Aujourd’hui, il n’est plus rien. Il n’est plus sur son 31. On l’a dépouillé de ses attraits, comme dans la chanson, les bois et guérets. On a saccagé sa parure, confisqué les rubans, les bijoux et les attributs de fête qu’il arborait triomphalement sous les œillades contemplatives d’un public conquis. Souvenirs, souvenirs… Personne ne lui fait plus le moindre cadeau. Déraciné dans les grises rues des grandes villes, il gît nu en exhibant sa verdure.

Mon beau sapin, roi des forêts, du tapis au tapin, ils t’ont trainé sans le moindre regret. Et toi, dans ta lente agonie, tu ne songes même pas à te venger. Tes aiguilles ne piquent pas. Elles ne l’ont jamais fait. Elles crissent doucement sous leurs talons plats. Tu vois passer des fleurs endimanchées qui te ressemblent mais ne le savent pas encore. Tu redoutes les pas lourds de spécimens gourds aux souffles courts, braconniers ou bucherons de l’asphalte.

Tu repenses à ta nature, intérieure et extérieure, la seule à laquelle tu appartiens. Dans un dernier hasard et un gigantesque effort, tu rampes vers le seul allié végétal de l’endroit. Tu te blottis à ses pieds, on ne sait jamais… Mais aucune réponse ne parvient, ni de près de loin. Tu restes là quelques temps, sans savoir comment, sans pouvoir faire autrement.


Et puis, finalement, comme dans un rêve, tu entends une petite musique. Un peu trop aigüe, un peu trop forte, mais tu sais qu’elle te concerne. Tu perçois des belles lumières qui clignotent et te rappellent vaguement ces guirlandes qui t’empêchaient de dormir. Elles scintillent sur un grand traineau vert, duquel descendent des elfes vêtus de couleurs vives. Ils viennent pour toi. Tu n’es plus abandonné. Ils viennent enfin te chercher. Tu n’es peut-être plus la plus belle, mais ils ne t’ont pas oublié.

Tu repenses aux oiseaux, aux futaies du passé, à la campagne, aux collines boisées. Tu repenses à l’air du temps, à tes Vosges natales et aux brimbelles. Oui, ils sont là pour toi, ces petits hommes colorés et leur camion-poubelle.

TOUJOURS LÀ


Il y a cinq ans, dans la nuit du 10 au 11 décembre 2016, mon père s’en est allé. Je rentrais d’un reportage pour Canal + lorsque la nouvelle est tombée. On a beau s’y attendre et donner le change en société, on sait qu’on ne s’en remettra jamais tout à fait. Un père attentionné est au départ de tout ce que l’on fait, de tout ce que l’on est. Son regard, sa voix, son amour, son humour, son parcours, ses conseils, ses manières, ses mystères demeurent en nous à tout jamais.

Il fait partie de nos souvenirs, même lorsque le temps a cru les effacer et qu’ils resurgissent au hasard d’un album photo ou d’une discussion entre amis. En jeune marié ou avec les cheveux longs pour les besoins du cinéma, il est toujours le plus beau et le plus sympa des papas, comme dans nos affirmations d’écolier en cour de récré. Il était là même lorsque l’on ne le savait pas, de nos premiers pas à nos premiers émois. Il fut le premier guide, le premier référent, parfois pressant, parfois discret, parfois prégnant, parfois secret. Il a initié des épopées dignes de la découverte des Amériques. J’entends encore le feulement des roseaux sur les flancs du canoé lorsqu’il nous a emmenés, ma sœur et moi, en balade sur la Meuse. Ce fut l’une des plus belles journées de ma vie, du côté de Consenvoye, petit village meusien dans lequel je ne suis jamais retourné, mais dont le nom est resté gravé en lettres de soleil et d’azur. Ce fut une parenthèse unique, une de celles qui changent les perspectives, qui appellent d’autres rivages, et qui révèlent que les berges sont bien plus belles lorsque l’on s’aventure au milieu de la rivière. Où que tu sois aujourd’hui, encore merci, cher papa, de m’avoir appris à marcher, à nager, à plonger. Même et surtout à contre-courant.