DONNER LE CHANGE


Quelquefois, dans la meute anonyme qui m’entoure, je sursaute encore de me sentir réellement discordante. Je voudrais aboyer ma différence sans donner le change, mais je me reprends. Je hume l’air du temps, passablement vicié par la poursuite citadine de petites traques sans importance. Je souris sans montrer les dents. Je marche dans le sens du vent, bien à couvert, au milieu de la horde que je suis certaine d’avoir finalement domestiquée.

À moins que ce soit exactement le contraire qui se soit passé ?


Sometimes, in the middle of the pack surrounding me, I still jump by feeling so discordant. I would like to bark my difference without pulling the wool over, but I get a grip on myself. I smell the spirit of the time, quite contaminated by hunting uninteresting stalks. I smile without baring my teeth. I walk where the wind blows, well covered in the middle of pack which, for sure, I finally domesticated.

Unless the exact opposite happened ?

VERY HAPPY NIGHT


L’expectation est si longue et la délectation si courte. Tout jeune déjà, on attend avec impatience cette nuit du 24 au 25 décembre qui s’évanouit toujours trop vite. Avec l’âge, les aspirations changent de costumes. Les hivers successifs les dépouillent de leurs attraits, tels bois et guérets. Même si l’on finit par y croire de moins en moins, le Père Noël demeure un ami bienveillant, si ce n’est pour soi-même au moins pour ceux qu’on aime. Chaque année, il est l’invisible invité de millions de foyers, qui ne lui tiennent nullement rigueur de ses absences répétées et ses visites éclair, pourtant confinées aux limites de l’impolitesse. C’est qu’il a fort à faire ce gentil Père Noël, flanqué de ses deux qualités majeures : indulgence et générosité. Mais que fait-il, une fois ce mémorable réveillon terminé, des 363 autres jours de l’année ?

SOUVENIRS CHALEUREUX


J’ai souvenance, dans la Lorraine de mon enfance, de mois d’hiver où la neige et les paysages glacés nous réchauffaient le cœur aussi surement que les bouillottes que nos grand-mères glissaient sous les draps nous réchauffaient les pieds. Quand il n’était pas arrivé par surprise et en silence au cours de la nuit, nous espérions ce manteau blanc de toutes nos forces. Dans une salle de classe blottie autour d’un poêle à charbon assez poussif de bon matin, nous guettions les premiers flocons au travers de vitres décorées de magnifiques fleurs de givre. Lorsque le phénomène météoromagique se produisait enfin, l’instituteur peinait quelques minutes à maintenir la discipline. Quelques punitions pouvaient être décochées ici et là mais la menace d’une sanction collective sous forme d’heure de retenue suffisait à mater tout embryon de rébellion. La récré, puis la sortie de l’école communale, scintillaient de projets éphémères, entre concours de glissades et batailles rangées, construction d’igloos et de bonhommes de neige…

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THE NIGHT BEFORE


Cette nuit, j’ai fait un rêve étrange. Quatre créatures ensorcelantes, si proches et si lointaines, à la fois familières et inaccessibles, m’ont emportée hors de mon lit, et m’ont fait voyager dans le temps, en compagnie d’apparitions qui n’en étaient peut-être pas. Leurs prénoms ne cessaient de rebondir et de se propager en échos dans ma tête. Michelle, Julia, Eleanor, Rita, Jude, Prudence, Loretta, Maggie, Martha ou Polythene Pam ; je ne sais plus très bien laquelle m’accompagna jusqu’au petit matin. Tout ce dont je me souviens, c’est que je n’aurais jamais voulu me réveiller…

VISIONS NOCTURNES

© Photographie Pascal Ito


Le regard ; tout dépend toujours du regard. Celui que l’on jette, celui que l’on soutient, celui que l’on porte, celui qui nous insupporte, celui que l’on baisse, celui que l’on lève… Celui des autres mais aussi celui que l’on porte sur soi-même. Celui des photographies, anciennes ou nouvelles, mais aussi celui du théâtre quotidien de la vie. Tous les regards qui nous concernent modifient nos angles de vision, nos axes de réflexion, nos perspectives d’action/réaction, nos modes de relation. Le cinéma que l’on se fait à soi-même ou celui que l’on projette devant les autres n’est qu’une succession de regards, figés ou animés, intérieurs ou extérieurs. On peut foudroyer ou caresser du regard. On peut couvrir ou déshabiller du regard. Un regard peut être oblique ou droit, superficiel ou profond, sombre ou éclairé, distrait ou indigné, fixe ou fuyant, fugace ou insistant…

« Et c’est parfois dans un regard, dans un sourire,
Que sont cachés les mots qu’on n’a jamais su dire
».
(Yves Duteil)

LA MALÉDICTION HOOLIGAN


Les incidents en pagaille qui ont entaché le dernier championnat de France de football et la violence qui refait régulièrement surface dans les stades du même sport, comme ces batailles rangées entre supporters ultras lors du duel européen entre Nice et Cologne cette semaine, ne font que renforcer un constat déplorable et récurrent : l’incapacité navrante des instances responsables à juguler un problème clairement identifié depuis des décennies. C’était l’occasion de remettre en jeu cette chronique diffusée sur Pink tv il y a presque vingt ans. Elle suggérait une hypothèse à la limite du hors-jeu concernant les racines de ce mal et de cette contamination qui, apparemment, ne sont pas près d’être éradiqués de nos vertes prairies artificielles.

“ 1970 ”


Elle s’appelle Reina del Cid et cela fait un petit moment que je la suis sur internet. Rachelle Cordova, pour l’état civil, est une chanteuse guitariste américaine originaire de Minneapolis, dans le Minnesota (USA). Avec sa complice Toni Lindgren à la guitare électrique, elle a repris avec brio bon nombre de standards pop. Durant ces dix dernières années, elle a sorti quatre albums originaux : Blueprints, plans en 2012, The Cooling en 2015, Rerun City en 2017, et Morse Code en 2019. Un cinquième, intitulé Candy Apple Red, vient d’arriver en cette fin avril 2022. Parmi les titres proposés, “1970” est un petit bijou de musique et de poésie. C’est l’histoire de…

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BRIGIGGY LENNON


En passant par la Lorraine et le Luxembourg, j’ai endossé ce week-end un rôle hybride de John Lennon et Iggy Pop, à la scène comme à la ville. Renouant avec mon petit village natal de Beuvillers (54), et sans doute avec une partie de mon adolescence, j’ai pris un plaisir non dissimulé à arpenter ainsi les abords de l’église et de la mairie, où je suis même allée voter, davantage par nostalgie exhibitionniste que par devoir civique. Je n’ai malheureusement revu aucun des complices de ma jeunesse, ceux ou celles avec qui nous montions des spectacles de fin d’année pour les anciens ou des fêtes patronales d’été à base de jeux inter-villages. Certains ont disparu, d’autres ont dû être retenus, cet après-midi là, par leurs familles ou les hasards de la vie. J’ai éprouvé cette étrange impression d’appartenir encore, de par mes racines, à cette terre austère qui m’a vu naître, sans toutefois éprouver le moindre regret quant aux décisions singulières qui m’en ont éloignée.

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OISEAU DE NUIT


« Je suis comme ces oiseaux de nuit, qui se posent sur une branche et n’y sont plus la seconde qui suit. On ne les voit jamais. On les entend à peine. Ils nourrissent les espoirs et désaltèrent les peines. Leur présence se devine. Leur essence est divine. Et leur absence avive le spleen. De tous ces oiseaux de nuit, on ne sait où sont leurs nids. Leurs petits sont déjà grands quand on surprend leur cri. Et personne n’a jamais su où ils s’en vont quand, une dernière fois, la nuit les suit. Je suis comme ces oiseaux de nuit. »

Brigitte Boréale