AVOIR DE LA CONVERSATION


Avoir de la conversation est toujours utile en société. Cela permet d’aller de l’avant et de parfaire son entregent en faisant de nouvelles connaissances, d’élargir ses champs de compétences et d’échanger des points de vue variés.

À LA VIE, À L’AMOR…


Lors d’une promenade dans la campagne lorraine, non loin de mon petit village natal de Beuvillers, au lieu-dit “Le Pré le Loup”, une alliance singulière entre le monde végétal et le monde minéral attira mon regard et attisa mon imagination. Eleanor Rigby et My Lady d’Arbanville revinrent aussitôt à l’assaut de ma mémoire, exhumant une nostalgie adolescente, entre Beatles et Cat Stevens, ravivant une arborescence sentimentale qui ne peut, qui ne veut se recroqueviller pour s’évanouir à jamais.

Le lierre, dont la racine latine hedera (de haerere « être attaché ») a produit iere en ancien français, puis lierre avec l’adjonction de l’article défini dès 1372, symbolise parfaitement ce lien mystérieux entre passé et présent. Il plonge une autre de ses racines étymologiques jusqu’à la mythologie grecque avec Héra, sœur et femme de Zeus, déesse du mariage, gardienne de la fécondité et protectrice des femmes. Son ressentiment à l’égard des nombreuses conquêtes de son roi des dieux de mari poussa Héra, épouse aussi jalouse que fidèle (elle ne prit jamais aucun amant), à de cruelles vengeances qui firent de nombreuses victimes collatérales, dont Héraclès qu’elle poussa à assassiner femme et enfants, et Tirésias, l’un des deux devins les plus célèbres de la Grèce Antique. Ovide raconte que Tirésias dut trancher un désaccord entre Héra et Zeus concernant le plaisir éprouvé par l’homme et la femme durant l’acte sexuel. Zeus prétendait que la femme prenait davantage de plaisir que l’homme, alors qu’Héra soutenait le contraire. Tirésias fut sollicité car, étant né homme mais ayant été transformé en femme durant sept ans, il avait l’expérience des deux sexes. Tirésias donna raison à Zeus, précisant que si le plaisir de l’acte sexuel était divisé en dix parts, la femme en prendrait neuf alors que l’homme n’en prendrait qu’une. Vexée, Héra condamna aussitôt Tirésias aux ténèbres éternelles. Zeus, qui ne pouvait annuler la décision d’Héra, offrit à Tirésias le don de divination et une vie longue de sept générations… une compensation sous forme de cadeau empoisonné qui compliqua à l’envi l’existence du devin aveugle de Thèbes. Cela lui fit une belle jambe, serait-on tenter de dire aujourd’hui.

Si, à l’approche du crépuscule, le soleil de septembre ne s’était pas mis à soudainement décliner, j’en serais encore à végéter ma mélancolie là-bas, à remonter le fil du temps, au gré des milliers de radicelles qui permettent au lierre de ramper ou grimper vers un ailleurs pas toujours visible. Biologiquement, contrairement à une idée reçue, le lierre n’est nullement un parasite pour l’arbre qu’il choisit d’épouser. Au contraire, il vit en symbiose avec lui, partageant des ressources énergétiques, abritant de nombreux animaux utiles à leur croissance réciproque et détoxifiant l’air ambiant. Les anciens l’avaient bien compris, faisant le lien entre la botanique et la symbolique, et voyant, dans un manteau de lierre, la permanence de la force végétative et la persistance du désir. Cette plante vivace peut naturellement évoquer une amitié sincère et protectrice, tels les rameaux qui enlacent et embrassent le tronc de l’arbre élu, jusqu’à la base du houppier, tout en laissant les branches principales croitre et se développer au soleil. Depuis l’Antiquité, elle est aussi et surtout le symbole d’un amour constant et de la longévité des sentiments. La force de l’allégorie est décuplée lorsque cette petite liane dévouée s’entiche d’une stèle ou d’un crucifix. La boucle est pour ainsi dire bouclée avec la devise du lierre : « Je meurs ou je m’attache ». Une seule incertitude subsiste : ce “ou” est-il plus attachant avec ou sans accent ?

UN CONSEIL OPTIMISTE


EN CETTE SOMBRE PÉRIODE DE CRISES ÉCONOMIQUES ET DE TENSIONS INTERNATIONALES, IL EST RÉCONFORTANT DE CONSTATER QUE LA TRADITION RIGOLARDE DEMEURE PROFONDÉMENT ENRACINÉE DANS NOS CAMPAGNES.

ART ÉPHÉMÈRE


Elle est magnifique mais elle ne restera pas longtemps… Avec cette coiffure sublime qui évoque les aigrettes d’un autre temps, ce bel oiseau du Passage Viallet, dans le onzième arrondissement parisien, est l’œuvre d’un artiste inconnu, un de ces virtuoses du street art, déposant subrepticement leur talent au coin d’une rue, sur un mur tout à coup sublimé, et disparaissant dans la nuit aussi furtivement qu’ils sont apparus.

L’œuvre en question a été réalisée sur papier puis découpée et collée sur la façade, à hauteur d’homme. Chacune de ces étapes exige une maîtrise et une habilité hors pair. Le choix du support n’est pas dû au hasard. La couleur crème du mur contraste à merveille avec les tons noirs et gris, plus quelques éclats de blanc, du modèle féminin et de sa parure, à l’élégance presque surréaliste. L’impact visuel et l’effet produit sur les passants sont immédiats. Les gens s’arrêtent, admirent le tableau quelques instants, le prennent en photo et repartent avec un sourire admiratif. Quelques uns se retournent pour jeter un dernier coup d’œil d’un peu plus loin, comme si leur cerveau commandait, pour la route, un dernier shoot de rêve graphique… une ultime dose, comme un piqûre de rappel, de cet art éphémère.

TRIPLE ET DOUBLE DOUBLE


Ce dimanche 18 septembre 2022, sur le circuit du Castellet, la 85ème édition du Bol d’Or fêtait le centenaire de cette célèbre épreuve d’endurance moto, dont le nom a pour origine une ancienne course cycliste, créée en 1894, qui se déroulait elle aussi sur une durée de 24 heures d’affilée. Le vainqueur recevait alors un bol en bronze offert par les chocolats Menier… Mais une 85ème pour un centenaire : qu’est-ce que c’est que ce compte qui ne tient pas la route ? C’est un décompte qui intègre deux périodes sombres : celle de 1940 à 1946, durant laquelle ce rendez-vous ne put être maintenu pour cause de seconde guerre mondiale et celle de 1961 à 1968, durant laquelle la course fut abandonnée.

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PETITE ANNONCE


Un message émouvant, taggé par un sdf sur la façade d’un petit hôtel parisien du onzième arrondissement, fermé depuis les événements liés à la pandémie de covid 19, et qui n’a jamais ré-ouvert depuis.

14 SEPTEMBRE 2022 : CLAP DE FIN


Avec plus de 80 films en un demi-siècle d’une carrière phénoménale, malheureusement trop peu connue du grand public, Irène Papas fait partie de ces femmes qui marquent une génération beaucoup plus profondément que les suivantes ne le pensent. Native d’un village de Corinthe, en Grèce, l’interprète ténébreuse a tout joué : la tragédie grecque, évidemment, genre dans lequel elle ne pouvait qu’exceller, mais aussi le western et le film noir américain, le péplum italien, l’aventure historique, le film d’auteur et le film de guerre, et tant d’autres variations dans un répertoire qui lui a conféré un statut très particulier sur la scène européenne. Elle a donné la réplique à Kirk Douglas, Anthony Quinn, Richard Burton, Gregory Peck, David Niven, James Cagney, Robert Taylor, Yves Montand, Jean-Louis Trintignant, Jon Voigt, Laurent Terzieff, Omar Sharif, James Mason, Michael Lonsdale, Jeff Goldblum, Dan Aykroyd, Rupert Everett, Nicolas Cage… pour ne citer que les plus connus.

Actrice de renom, mais également chanteuse de grand talent, elle a prêté sa voix à Mikis Theodorakis, ainsi qu’à Vangelis sur deux albums (Odes en 1979 et Rhapsodies en 1986), et même bien avant, en 1972, du temps des Aphrodite’s Child avec Demis Roussos. Surnommée “Bella Greca” ou “Irene Nostra” par le public italien qui l’appréciait beaucoup (elle a tourné avec de nombreux cinéastes de Cinecittà), elle avouait volontiers qu’après Athènes, Rome était sa seconde mère. Farouchement opposée à la junte militaire, elle dut se résoudre à vivre un temps en exil, de 1967 à 1974, durant la période sombre de la dictature des colonels. Brièvement mariée à un acteur et réalisateur grec (de 1947 à 1951) elle n’a pas eu d’enfants et est toujours restée très discrète, pour ne pas dire secrète, à propos de sa vie sentimentale. En 2004, toutefois, peu après la mort de Marlon Brando, elle avoua “un long et secret amour” entre eux deux. Elle précisa qu’ils s’étaient rencontrés pour la première fois à Rome en 1954, qu’ils s’étaient revus pour la dernière fois à Athènes en 1999… et qu’il demeurerait “la grande passion de sa vie”. Une grande passion pour une grande dame qui avait eu 93 ans le 3 septembre dernier.

Depuis une vingtaine d’années, Irène Papas était revenue vivre dans son village natal de Chiliomódi, mais la dernière décennie ne fut pas tendre avec celle qui nous laissa de merveilleux souvenirs, à jamais gravés sur la pellicule. La maladie d’Alzheimer a embrumé les siens et assombri un dernier horizon que Joachim Du Bellay eût pu lui souhaiter plus doux, comme à Ulysse. Mais les tragédies grecques, et leurs tragédiennes, n’y ont sans doute jamais eu droit.

SUR ARTE CE SOIR

JEAN-LUC GODARD (03/12/1930 – 13/09/2022)

Un cinéaste se raconte davantage avec des images qu’avec des mots. En hommage à celui qui a choisi de s’en aller hier, Arte diffuse ce soir deux films de Jean-Luc Godard : “Le Mépris”, sorti en 1963 avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli, et “Prénom Carmen”, sorti vingt ans plus tard, en 1983, avec Maruschka Detmers. D’autres chaînes prendront le relai dans les jours suivants, notamment France 5, dès vendredi prochain, avec le film “À Bout de Souffle” (avec Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg, en 1960), ou encore Ciné+Classic, qui proposera “Pierrot le Fou”, (avec Jean-Paul Belmondo et Anna Karina, en 1965), le lendemain samedi 17 septembre.