MES SOULIERS SONT ROUGES

QUAND PLUS RIEN NE VA…

C’était en l’an 2000. J’avais découvert ce groupe au drôle de nom, “Mes souliers sont rouges”, que je croyais canadien. J’avais aussitôt acheté leur album intitulé “Proches”, que je croyais être leur premier, alors qu’ils en étaient déjà au quatrième. Sur celui-ci, évidemment, la chanson “Turlute”, plus sobrement dénommée “Quand plus rien ne va” au dos du CD, avait beaucoup fait rire mes amis. Et mes amies aussi. Outre la coloration grivoise des paroles, l’air était entraînant, sautillant, dansant, guilleret et pour tout dire, vivifiant.

Le “Taditedilim Tedilam” du refrain, les instruments à cordes, la flûte, le phrasé du chanteur, la rythmique particulière, le style folklorique, avec une petite touche celtique, le couplet qui nous emmenait dans la forêt, la jolie cahute… tout cela m’avait d’emblée transportée au Québec, d’où, j’en étais convaincue, ces troubadours truculents étaient originaires. Et bien pas du tout ! Les joyeux sacripants m’avaient bien emberlificotée. Le groupe s’était formé en 1991, à Caen, dans le Calvados ! Bye bye Canada, welcome Normandie. Enfin, pas tout à fait. Là où je ne m’étais pas complétement fourvoyée, c’était au sujet de leur style musical. Ce groupe de folk français bourlinguait entre le registre traditionnel québécois et la chanson française, en y ajoutant une touche personnelle singulière, métissant cultures et inspirations diverses. Leur reprise de “Vive la rose”, mariait une guitare hispanisante à un violon irlandais, tandis que “La poule à Colin” (Sur l’eau, sur la rivière) nous faisait voguer dans le temps au gré de contre-chants et canons d’une autre époque. Idem pour “Cahin-caha”, “Sainte-Cécile”, ou “Le Galant maudit”, qui nous faisait passer des landes gaéliques aux terres lointaines de Louisiane ou d’Acadie. Tous les titres de cet album “Proches”, encore disponibles sur YouTube, étaient de merveilleuses invitations au voyage, dans le temps et l’espace. Malheureusement, en 2006, après les départs successifs de tous ses membres fondateurs, la fin du groupe a été officialisée. Cela mit un terme à quinze années de succès et de concerts endiablés à travers toute l’Europe, mais aussi au Canada, aux USA et en Australie. En 2011, la formation ressuscita et repartit en tournée sous l’appellation MSSR, mais la magie n’opèra plus vraiment.

Peut-être est-ce la loi de ce que l’on n’explique pas, la beauté de ce qui ne dure pas. Sur l’album “Proches”, que je conserve précieusement dans ma cédéthèque, un titre particulièrement émouvant préfigurait cette trajectoire, qui va de l’inspiration à la disparition. “Ma Blonde” résume à sa manière ce sentiment nostalgique, cette sensibilité mélancolique, qui nous gagne et nous perd, selon le temps qui ralentit ou accélère. Dans l’existence, on a tous et toutes eu des choix à faire. Comme dans la chanson, on a pris des chemins, des envols, des bateaux. On a cherché des rêves, des rivages, des étoiles. On a voulu aller plus loin, en se disant que tout ira bien. On a eu du courage et on a été lâche. À un moment ou à un autre, on a dû sacrifier quelqu’un. Et avec ce quelqu’un, on a aussi sacrifié une part de nous-mêmes. On a abandonné un possible pour un espoir, ou inversement. Et, quoi qu’on en dise, on n’est jamais certain d’être monté dans le bon train. Un amour de jeunesse, une rencontre d’un soir, une passion refoulée, il y a toujours une femme ou un homme avec qui le destin aurait pu basculer. Et avec lui, un autre voyage à deux. Eût-ce été mieux ? On ne le saura jamais, mais on y repensera toujours. Par intermittences, par advertances, ce doute reviendra nous hanter. Et puis on le dissimulera, on le repoussera à cent lieues de là, comme dans la chanson, en lui donnant, malgré tout, rendez-vous dans un autre monde.

Ma Blonde

J’ai quitté ma terre
Mon pays mes amis
Pour aller tout refaire
Même le monde à l’envers
Pour provoquer la chance
Comme dans les romances
Et revenir un jour
Auprès de mes amours

Le bateau qui m’emmène
Est un fameux vaisseau
Il a vu et verra
Les tempêtes qui là-bas
Font redouter ici
Qu’on y perde la vie
Je suis plein de courage
Et je demande au large

Quand reverrai-je ma blonde
Qu’est à cent lieues de moi
Je cours je cours
Je ne la rattrape pas
Quand reverrai-je ma blonde
Qu’est à cent lieues de moi

Je navigue aux étoiles
Et voguent mes pensées
Au gré du firmament
Et malgré les courants
Mais quand à fond de cale
Mon coeur est mis à mal
Si je lève la tête
Une image m’arrête

J’ai trouvé des rivages
Et m’y suis reposé
Sur les immenses plages
Il fait si bon rêver
Mais au pied des rochers
Qu’on ne peut effacer
Un visage dans la pierre
Répétait ma prière

Quand reverrai-je ma blonde
Qu’est à cent lieues de moi
Je cours je cours
Je ne la rattrape pas
Quand reverrai-je ma blonde
Qu’est à cent lieues de moi

Et mon vaisseau m’emmène
Où les étoiles s’aiment
Je reverrai ma blonde
Plus tard dans l’autre monde
Je reverrai ma blonde
Qu’est à cent lieues de moi
Hmm je cours

Je reverrai ma blonde
Qu’est à cent lieues de moi
Hmm hmm je cours…

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