VOÛTE CÉLESTE

C’était une nuit sans lune
Mais je la voyais quand même
Comme une ancre sous ma plume
Un pont entre elle et moi-même

C’était un duo virgule
Un mariage entre éléments
Qui m’intrigue et me régule
Sans savoir pourquoi comment

C’était l’extase et l’ennui
La vie et beaucoup d’espoir
Un peu de joie qui s’enfuit
Une flamme dans le noir

C’était une nuit sans lune
Entre songe et sentiment
Parenthèse qui s’allume
Qui m’enivre et qui me ment.

HEURIPILANTE !

Cela fait 48 heures que je cours partout comme une dératée en me demandant pourquoi je manquais tous mes rendez-vous, professionnels ou privés. J’avais l’horrible impression d’être constamment transpercée par les aiguilles d’un temps perdu qui ne cessait de m’obséder. J’étais traquée, pourchassée, capturée, torturée dans et par un cercle vicieux dont il semblait impossible de pouvoir un jour s’évader. Je me sentais harcelée par les horloges du monde entier, prisonnière d’un sablier qui refermait ses portes spatio-temporelles sur mon pauvre corps et mon esprit dérangé. Je viens seulement de comprendre que nous avions changé d’heure ce week-end.

UNE BONHOMMIE OUBLIÉE

La neige a fait une timide apparition dans quelques départements français en cette première semaine de mars, mais son blanc manteau est vite parti en lambeaux. Il n’a pas tenu bien longtemps, suffisamment toutefois pour faire resurgir des souvenirs d’enfance. Le blanc, et le repos feutré qui l’accompagne, change tout. Il déroule en silence un tapis qui se met en boule dans la joie et les cris. Des boules de toutes les tailles, des petites, des grosses, des qui craquent, des qui giclent, des qui explosent, des qui enflent, des qui collent, des qui roulent, des qui se superposent et se métamorphosent. Des qui suivent leur bonhomme de chemin.

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OBJET TROUVÉ

.

Le Gant Perdu

C’est un gant perdu sur le pavé parisien,
Qui, d’un doigt ambigu, me montre le chemin.

Dois-je l’ignorer, l’appréhender, le faire mien ?
Pour m’intriguer, en tous cas, il y met du sien.

Est-ce un hasard qui me l’a jeté au visage ?
Devrais-je le relever malgré mon grand âge ?
Et aller jusqu’au duel, comme il est d’usage ?
Il se mue soudain en un bien mauvais présage.

C’est un gant perdu, ni de boxe, ni de crin,
Hier sur un guidon chromé ou tout terrain
,
D’un jumeau orphelin à jamais, je le crains.
Où donc erre la main dont il était l’écrin ?

Je tourne les talons, d’un pas peu élégant,
Fuyant cet objet intrigant et pauvre gant.
Entre détresse et solitude navigant,
Il embarque mon tourment sur son toboggan.



HIP HIP HIP BIRTHDAY !


« À quoi tu pouvais bien ressembler quand tu avais vingt ans ? Comment tu te maquillais en jeune trav ? C’est une question que je me suis souvent posée… » me demandait l’une de mes meilleures copines, de trente ans ma cadette, en léchant les bougies qu’elle retirait avec précaution d’un gros gâteau trop crémeux à mon goût. J’ai exhumé de mes archives cette photo prise par un ami très cher, aujourd’hui disparu. « La vache ! me dit-elle, t’aurais pu être une top escort internationale ! À Monaco, Dubaï ou Genève, t’aurais fait un carton »… Pan ! Champagne pour tout le monde !

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JEUX DE MAINS

© Photographie Pascal Ito


Qu’on s’étire le matin, qu’on dise «non merci, jamais de pain» avec le gratin, qu’on en tende une pour le baisemain, qu’on garde l’autre pour demain, qu’on les agite ou les dissimule, qu’on les ferme pour montrer les poings, qu’on les ouvre en les levant bien haut devant un bandit de grand chemin, nos mimines sont des mimiques qui, souvent, en disent plus long que notre mine. Parfois, en certaines inversions, on dirait même que les mots que nous prononçons, comme les expressions que nous affichons sur nos visages, ne font, en définitive, que leur prêter main-forte.

DONNER LE CHANGE


Quelquefois, dans la meute anonyme qui m’entoure, je sursaute encore de me sentir réellement discordante. Je voudrais aboyer ma différence sans donner le change, mais je me reprends. Je hume l’air du temps, passablement vicié par la poursuite citadine de petites traques sans importance. Je souris sans montrer les dents. Je marche dans le sens du vent, bien à couvert, au milieu de la horde que je suis certaine d’avoir finalement domestiquée.

À moins que ce soit exactement le contraire qui se soit passé ?


Sometimes, in the middle of the pack surrounding me, I still jump by feeling so discordant. I would like to bark my difference without pulling the wool over, but I get a grip on myself. I smell the spirit of the time, quite contaminated by hunting uninteresting stalks. I smile without baring my teeth. I walk where the wind blows, well covered in the middle of pack which, for sure, I finally domesticated.

Unless the exact opposite happened ?

VERY HAPPY NIGHT


L’expectation est si longue et la délectation si courte. Tout jeune déjà, on attend avec impatience cette nuit du 24 au 25 décembre qui s’évanouit toujours trop vite. Avec l’âge, les aspirations changent de costumes. Les hivers successifs les dépouillent de leurs attraits, tels bois et guérets. Même si l’on finit par y croire de moins en moins, le Père Noël demeure un ami bienveillant, si ce n’est pour soi-même au moins pour ceux qu’on aime. Chaque année, il est l’invisible invité de millions de foyers, qui ne lui tiennent nullement rigueur de ses absences répétées et ses visites éclair, pourtant confinées aux limites de l’impolitesse. C’est qu’il a fort à faire ce gentil Père Noël, flanqué de ses deux qualités majeures : indulgence et générosité. Mais que fait-il, une fois ce mémorable réveillon terminé, des 363 autres jours de l’année ?

SOUVENIRS CHALEUREUX


J’ai souvenance, dans la Lorraine de mon enfance, de mois d’hiver où la neige et les paysages glacés nous réchauffaient le cœur aussi surement que les bouillottes que nos grand-mères glissaient sous les draps nous réchauffaient les pieds. Quand il n’était pas arrivé par surprise et en silence au cours de la nuit, nous espérions ce manteau blanc de toutes nos forces. Dans une salle de classe blottie autour d’un poêle à charbon assez poussif de bon matin, nous guettions les premiers flocons au travers de vitres décorées de magnifiques fleurs de givre. Lorsque le phénomène météoromagique se produisait enfin, l’instituteur peinait quelques minutes à maintenir la discipline. Quelques punitions pouvaient être décochées ici et là mais la menace d’une sanction collective sous forme d’heure de retenue suffisait à mater tout embryon de rébellion. La récré, puis la sortie de l’école communale, scintillaient de projets éphémères, entre concours de glissades et batailles rangées, construction d’igloos et de bonhommes de neige…

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THE NIGHT BEFORE


Cette nuit, j’ai fait un rêve étrange. Quatre créatures ensorcelantes, si proches et si lointaines, à la fois familières et inaccessibles, m’ont emportée hors de mon lit, et m’ont fait voyager dans le temps, en compagnie d’apparitions qui n’en étaient peut-être pas. Leurs prénoms ne cessaient de rebondir et de se propager en échos dans ma tête. Michelle, Julia, Eleanor, Rita, Jude, Prudence, Loretta, Maggie, Martha ou Polythene Pam ; je ne sais plus très bien laquelle m’accompagna jusqu’au petit matin. Tout ce dont je me souviens, c’est que je n’aurais jamais voulu me réveiller…