À COUTEAUX TIRÉS


Invitée à dîner chez un ami proche la semaine dernière, j’avisai, sur le plan de travail de sa cuisine, un ustensile singulier. Ce porte-couteaux métallique représentait une silhouette humaine, d’apparence masculine, lardée de cinq lames affutées, transperçant le corps au niveau des membres inférieurs, de l’abdomen, du thorax et de la tête. Une sorte de poupée vaudou version Scream. Remarquant mon regard intrigué et devinant ma perplexité, il me confia : « Original, cet accessoire non, tu ne trouves pas ? C’est un cadeau de ma future ex-petite amie. Notre rupture n’est pas encore consommée mais j’ai le sentiment qu’elle se doute de quelque chose… »

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OBSERVATION IMPLACABLE


« L’HOMME EST L’ESPÈCE LA PLUS INSENSÉE QUI SOIT.
IL VÉNÈRE UN DIEU INVISIBLE ET MASSACRE UNE NATURE VISIBLE…
SANS SAVOIR QUE CETTE NATURE QU’IL MASSACRE EST CE DIEU QU’IL VÉNÈRE. »

HUBERT REEVES

POV’LANGUE ?


C’est l’abus de langage le plus fréquent, et le plus agaçant, bien installé dans nos échanges quotidiens depuis plusieurs années. Du coup, du coup, du coup… On n’entend plus que cela partout. À hue et à dia, mais surtout à tort et à travers, cette expression contamine toutes les discussions, alors que la langue française regorge de synonymes bien plus variés et précis. À la liste figurant sur le tableau ci-dessus, on pourrait ajouter “finalement”, “dans ces conditions”, “par conséquent”, “à la suite de quoi”, “aussi ” “dès lors”, “c’est pourquoi”, “d’où”, “de telle sorte que”, par suite”, au final”… etc, etc… Au lieu de cela, Du coup” envahit même les débuts de phrases isolées, propositions indépendantes ne référant à aucun discours antérieur et ne faisant donc logiquement suite à aucune idée qui aurait pu justifier une liaison de cause à effet. L’omniprésence de cette locution adverbiale, spécialement dans ce cas de figure, confère à l’absurdité la plus totale. Elle trahit également un vide sidéral dans la pensée et le semblant de raisonnement de ceux et celles qui l’emploient. Cette formule étriquée n’a pas grande valeur sémantique. Bien plus qu’un tic verbal, on peut l’envisager comme un vocable béquille, qui procure à son auteur la fausse impression de meubler la conversation intelligiblement (et non pas intelligemment), tout en se donnant le temps de réfléchir à la suite de l’échange. L’effet produit sur un interlocuteur un tant soit peu sensé aboutira à l’exact opposé. Il en déduira qu’il a affaire à un déficient linguistique de plus. Si la personne impliquée est moins équilibrée voire quelque peu irascible, la scène peut rapidement dégénérer, jusqu’à en venir aux coups. Du coup pour coup…

LA VENGEANCE DU PIGEON


Samedi dernier, revenant de chez ma boulangère avec ma baguette et mes croissants, j’aperçus une bande de pigeons en train de picorer allégrement un sandwich tombé sur le trottoir. Ils étaient une bonne douzaine à ripailler et à profiter de l’aubaine. Deux affreux jojos qui arrivaient en sens inverse se mirent à les pourchasser, tout en essayant de shooter dans les pauvres bêtes, tels des footballeurs décérébrés en mal de victoire dérisoire. Évidemment, leurs coups de pied finissaient dans le vide à chaque fois. Les volatiles s’éparpillaient dans tous les sens puis revenaient sur l’asphalte pour tenter de terminer leur festin tant bien que mal. Les deux olibrius recommençaient de plus belle, avec le même résultat affligeant. Le manège dura de longues minutes, sous les regards amusés ou consternés des passants. À la fin, nos deux ramiers de l’inutile regagnèrent leur voiture garée à proximité, pour siroter, goguenards, deux bières extraites d’un des nombreux packs entreposés dans leur coffre. Les pigeons s’étaient définitivement éloignés de ce terrain de jeu absurde. À regret, ils avaient abandonné leur festin sur le bitume parisien. Un instant, je me surpris à les plaindre. Qu’auraient-ils bien pu faire pour se défendre ou se venger de leurs assaillants ? J’eus la réponse à ma question le lendemain matin…

MAI OUI MAI OUI !


Ce mois ne fait-il vraiment que ce qui lui plait ? Ça commence le 1er mai par une fête du travail qui, dès 1890, pousse les manifestants à défiler avec un triangle rouge à la boutonnière, symbolisant la journée divisée en trois parties égales : travail, sommeil, loisirs. La fleur d’églantine assure ensuite un bref relais avant que le brin de muguet ne reprenne le dessus, et le devant de la scène. En 1561, Charles IX avait déjà adopté la coutume d’offrir des brins de muguet aux dames de la cour en ce premier mai décidément bien inspiré.

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LA VALEUR DES CHOSES


Il y a 150 ans, ce cher Oscar, à qui la société bien pensante a fait payer excessivement cher son homosexualité, écrivait cette phrase qui demeure d’une effarante actualité en 2022. Il faudrait, selon certains, une bonne guerre pour que les gens se rendent enfin compte du confort et du bonheur dans lesquels ils ont vécu ces dernières décennies. Pas sûr que cela suffise quand, en dépit des menaces de fin du monde, climatiques ou politiques, qui pointent à l’horizon, chacun continue de ne soucier que de la fin du mois. Un affligeant tableau contemporain, qui, à l’instar du sortilège dépeint dans “Le Portrait de Dorian Gray”, pousse le monde vers l’illusion d’une jeunesse à rebours et d’une beauté à rallonge, qui ne fait que flétrir et vieillir tout ce qu’elle touche.

TROIS QUARTS DE SIÈCLE


Il est toujours debout, avec ses costumes bigarrés, ses lunettes du même tonneau et ses chapeaux multiformes. Elton John a 75 ans aujourd’hui et ne compte pas s’arrêter de chanter prochainement puisque sa prétendue tournée d’adieu l’a déjà programmé sur scène jusqu’en fin d’année 2023 ! Après 55 ans de carrière, une retraite loin des trépidations des méga-concerts serait pourtant légitime. Le crocodile pop/rock n’en a que faire. Rien ne peut le ralentir dans son élan musical, pas même une attaque de covid 19 en janvier dernier. Un jour, John Lennon lui avait confié : « J’espère que je mourrai avant toi car, dans le cas contraire, je ne pourrais pas survivre à 24 heures de tes chansons en continu et à un hommage musical ininterrompu en ton honneur sur toutes les radios ! ». Malgré leur différence de style, les deux John étaient très amis. L’assassinat du premier, à New-York, en 1980, a malheureusement exaucé son vœu. Le second reprend souvent des chansons de l’ex-Beatle dans ses tours de chant. Comme un clin d’œil vers l’au-delà. Come together.

EMBOUTEILLAGE


En dépit d’un “léger” embonpoint, Galloway, le chat de ma maman, est un excellent chasseur. Le problème, comme chez de nombreux chats, c’est qu’il s’en va chasser à l’extérieur et qu’il rapporte le produit de sa chasse à l’intérieur de la maison. Et tant qu’à faire, pour que cela soit plus amusant, le produit de la chasse en question, généralement un mulot ou une musaraigne, toujours bien vivant, est déposé au beau milieu du salon ou de la cuisine. Gymkhana animal du chat et de la souris, dans un remake toujours cruel du jeu du même nom, branle bas de combat chez les humains, avec recherche et découpe éclair d’une bouteille en plastic… Objectif prioritaire : capturer le rongeur avant qu’il ne se carapate sous un meuble ou derrière un frigo, puis aller le relâcher au fond du jardin ou dans la pelouse voisine, hors de portée du félin, savamment maintenu à distance grâce à un stratagème hypocrite à base de croquettes ou de détournements d’attention plus ou moins efficaces. Une fois ce sauvetage humanimalitaire réussi, tout le monde, y compris le mistigri, retourne à ses occupations respectives, jusqu’à la prochaine alerte. Conséquence incongrue : la propension des rongeurs du quartier à préférer, pour les dernières générations, la recherche de sodas divers à la consommation de fromage.