THÉORIE DE LA RELATIVITÉ…

… ET RELATIVITÉ DE L’AMBIGUÏTÉ.

Je n’ai jamais compris grand chose à la théorie de la relativité. J’ai toujours fait semblant d’être au courant, comme tout le monde. De toute manière, le truc est indéboulonnable. Il est signé Albert Einstein. Même sa formule est top de top. E=mc2 ! C’est presque une vérité divine. C’est comme une œuvre d’art, une sculpture, un tableau, un poème, une musique qui vous accroche et vous marque à vie.  On ne sait plus si elle est devenue célébrissime à force d’avoir été ressassée et resservie à toutes  les sauces ou si elle a eu un impact initial tel qu’elle ne pouvait que devenir fameuse. La relativité d’Einstein est devenue universelle en quelques décennies à peine. Il s’en dégage une sorte d’ambiguïté inattaquable, à la fois familière et étrangère. On est incapable de l’expliquer, mais on sent que c’est grand. On sait aussi que cela nous dépasse. 

Littéraire dès mon plus jeune âge, je n’ai jamais éprouvé aucune attirance ni admiration envers les scientifiques, ces habitants d’une autre planète. Albert Einstein a toujours fait exception, probablement à cause de certaines déclarations rebelles (contre les méthodes d’enseignement rigides), de remarques inspirées (à propos de biologie et d’écologie) et de photographies insolites (portraits hurluberlus). Par hasard, je suis tombée sur un de ces clichés époustouflants. Époustouflant au sens fort et premier du terme : à en couper le souffle. Notre bel Albert posait sur un rocher, chevelure ébouriffée, comme à l’accoutumée. Jambes délicatement croisées, bras droit en appui le long du corps, l’attitude en elle-même me parut immédiatement féminine. Au bas de la photo, une légende sibylline précisait simplement : Albert Einstein profitant du soleil, New York, Long Island, été 1939.

Au delà de la posture, la prolongeant de manière troublante dans toute son ambigüité, un détail incroyable me sauta aux yeux : les chaussures ! Je rêvais ou Albert Einstein portait des sandalettes de midinette ? Je zoomai sur le personnage. Les nu-pieds de couleur claire étaient maintenus par une bride sur le devant de la cheville et laissaient apparaitre les orteils par un bout ouvert ourlé d’un liseré noir. Leur aspect typiquement féminin était frappant. Rien à voir avec un look stiletto, certes, mais ce soulier négligemment posé au pied d’un rocher peu escarpé conférait à son propriétaire une dégaine insolite. La chemisette manches courtes négligemment échancrée ne faisait rien pour lever le doute. Quant au troisième élément vestimentaire, on avait peine à distinguer s’il s’agissait d’une jupe ou d’une sorte de large short plus ou moins proche du bermuda. En 1939, les tenues de plages n’étaient de toute façon pas vraiment folichonnes.

Cette photographie m’interpella de longues minutes. Albert Einstein aimait les femmes. Il n’a jamais été préoccupé par une quelconque dysphorie de genre, pas plus qu’il n’a, à aucun moment de sa vie,  exprimé un goût particulier pour le travestissement. La seule transformation qui l’obsédait était celle de ses intuitions en théorisations. Alors, quid de cet accoutrement équivoque ? Pour quelle raison le grand mécanicien de l’espace-temps, le chef d’atelier de la physique quantique et de la cosmologie, s’autorisait-il des tenues et des attitudes qu’aucun de ses vénérables collègues de l’université de Princeton ou d’ailleurs n’aurait jamais osé se permettre ? Et bien tout simplement parce qu’il était le plus grand théoricien de son temps ! Et qu’il n’en avait strictement rien à cirer de ce qu’on pouvait penser ou colporter dans son dos. Il avait résolu depuis belle lurette l’inéquation entre apparence et compétence, entre bienséance et intelligence. Principe élémentaire de science friction.

Finalement, peu importe la façon dont on choisit de se vêtir, l’essentiel est ce que l’on porte à l’intérieur. C’est aussi de savoir qui l’on est, de suivre son chemin et de s’y sentir bien. En cuissardes, en baskets ou en sandalettes. Tout le reste n’est que baratin, perlinpinpin et saint-frusquin. Merci, cher Albert, d’avoir apporté votre contribution jusque dans ce domaine à la fois accessoire et primordial. J’apprécie de vous avoir à nos côtés, même involontairement, pour adresser un formidable pied de nez à tous ceux qui peinent encore à accepter les transformations de la société et notre transidentité. Me revient soudain en mémoire un ancien proverbe amérindien : « Avant de juger son frère, il faut avoir marché plusieurs lunes dans ses souliers ». Une autre application de la théorie de la relativité.

4 thoughts on “THÉORIE DE LA RELATIVITÉ…

  1. Sundial ou sandals ? C’est un scandale !

    Au risque de me mettre à dos à la fois la communauté scientifique et LGBT++, j’ose livrer l’explication pour ce cliché apparemment féministe…

    L’été 1939, Einstein entra dans un magasin, afin d’acheter un sundial (cadran solaire). Mais avec son accent teuton, le vendeur comprit sandals et lui proposa ces magnifiques shoes de femme. Einstein bienveillant et pour ne pas froisser le commerçant, il lui acheta la paire de sandales et les enfila sans honte.

    Pour la suite de l’histoire, Brigitte, tu traduiras avec un meilleur brio que moi l’amitié qui naquit entre les deux hommes à l’aide des les liens ci-dessous.

    https://dangerousminds.net/comments/einstein_on_the_beach_in_open-toed_sandals

    https://rarehistoricalphotos.com/einstein-at-the-beach-1939/

    https://memolition.com/2016/07/19/unserious-photos-of-albert-einstein/

    Ma photo préférée est celle où il porte de superbes chaussons à moumoute assez girly !

    1. Grand merci, chère Patsy, pour ces précieuses informations, et ces liens pertinents, qui constituent le prolongement idéal de ce sujet.

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