LA CARAVANE PASSE…


Le Grand Nord a ses chiens de traineau. Paris a ses chiens de triporteur. Ce ne sont pas des chiens de prairie, encore moins des chiens de mer, et lorsque leur caravane passe, ce ne sont pas eux qui aboient, mais les passants qui les saluent et les enfants qui s’émerveillent. Les uns et les autres leur témoignent amitié et sympathie par un petit mot gentil, une caresse, une photo ou simplement un sourire. La petite troupe fait sensation, qu’elle soit en mouvement sur les boulevards ou à l’arrêt devant une boulangerie (il faut bien que le maître chien pédaleur se ravitaille de temps en temps). Certaines personnes viennent même s’accroupir à leur hauteur afin de prendre un selfie en leur compagnie. Fixant l’objectif, les chiens donnent alors l’impression de prendre la pose, voire même de sourire. Il faut bien avouer que ces chiens-là sont devenus très cabots. Y-aurait-il un jeu de quilles dans les parages qu’ils y entreraient en paradant… et seraient accueillis à bras ouverts ! Mais leur itinéraire préféré les conduit directement au bois de Vincennes, où ils peuvent se défouler et gambader tout leur soûl. Nul besoin de s’économiser pour le retour : c’est leur chauffeur qui en aura alors plein les pattes. Ce n’est pas plus mal. Ainsi, l’attelage ne risque pas l’excès de vitesse, assorti d’une contravention rédigée par un intraitable… chien policier.

POSÉIDON


Formidable cliché, pris lors d’une tempête dans l’anse rocheuse de Lesconil, petit port de pêche du Finistère, en Bretagne. Comment ne pas penser à Poséidon, redoutable dieu de la mer et des océans chez les Grecs (le Neptune des Romains), surgissant brusquement des flots déchainés ? Coup de chapeau, ou de coiffe bigoudène, à Mathieu Rivrin, le photographe inspiré qui a su saisir cet instant très précis, dans toute sa force, son tumulte, son esthétisme et son pouvoir évocateur.

AVOIR DE LA CONVERSATION


Avoir de la conversation est toujours utile en société. Cela permet d’aller de l’avant et de parfaire son entregent en faisant de nouvelles connaissances, d’élargir ses champs de compétences et d’échanger des points de vue variés.

À LA VIE, À L’AMOR…


Lors d’une promenade dans la campagne lorraine, non loin de mon petit village natal de Beuvillers, au lieu-dit “Le Pré le Loup”, une alliance singulière entre le monde végétal et le monde minéral attira mon regard et attisa mon imagination. Eleanor Rigby et My Lady d’Arbanville revinrent aussitôt à l’assaut de ma mémoire, exhumant une nostalgie adolescente, entre Beatles et Cat Stevens, ravivant une arborescence sentimentale qui ne peut, qui ne veut se recroqueviller pour s’évanouir à jamais.

Le lierre, dont la racine latine hedera (de haerere « être attaché ») a produit iere en ancien français, puis lierre avec l’adjonction de l’article défini dès 1372, symbolise parfaitement ce lien mystérieux entre passé et présent. Il plonge une autre de ses racines étymologiques jusqu’à la mythologie grecque avec Héra, sœur et femme de Zeus, déesse du mariage, gardienne de la fécondité et protectrice des femmes. Son ressentiment à l’égard des nombreuses conquêtes de son roi des dieux de mari poussa Héra, épouse aussi jalouse que fidèle (elle ne prit jamais aucun amant), à de cruelles vengeances qui firent de nombreuses victimes collatérales, dont Héraclès qu’elle poussa à assassiner femme et enfants, et Tirésias, l’un des deux devins les plus célèbres de la Grèce Antique. Ovide raconte que Tirésias dut trancher un désaccord entre Héra et Zeus concernant le plaisir éprouvé par l’homme et la femme durant l’acte sexuel. Zeus prétendait que la femme prenait davantage de plaisir que l’homme, alors qu’Héra soutenait le contraire. Tirésias fut sollicité car, étant né homme mais ayant été transformé en femme durant sept ans, il avait l’expérience des deux sexes. Tirésias donna raison à Zeus, précisant que si le plaisir de l’acte sexuel était divisé en dix parts, la femme en prendrait neuf alors que l’homme n’en prendrait qu’une. Vexée, Héra condamna aussitôt Tirésias aux ténèbres éternelles. Zeus, qui ne pouvait annuler la décision d’Héra, offrit à Tirésias le don de divination et une vie longue de sept générations… une compensation sous forme de cadeau empoisonné qui compliqua à l’envi l’existence du devin aveugle de Thèbes. Cela lui fit une belle jambe, serait-on tenter de dire aujourd’hui.

Si, à l’approche du crépuscule, le soleil de septembre ne s’était pas mis à soudainement décliner, j’en serais encore à végéter ma mélancolie là-bas, à remonter le fil du temps, au gré des milliers de radicelles qui permettent au lierre de ramper ou grimper vers un ailleurs pas toujours visible. Biologiquement, contrairement à une idée reçue, le lierre n’est nullement un parasite pour l’arbre qu’il choisit d’épouser. Au contraire, il vit en symbiose avec lui, partageant des ressources énergétiques, abritant de nombreux animaux utiles à leur croissance réciproque et détoxifiant l’air ambiant. Les anciens l’avaient bien compris, faisant le lien entre la botanique et la symbolique, et voyant, dans un manteau de lierre, la permanence de la force végétative et la persistance du désir. Cette plante vivace peut naturellement évoquer une amitié sincère et protectrice, tels les rameaux qui enlacent et embrassent le tronc de l’arbre élu, jusqu’à la base du houppier, tout en laissant les branches principales croitre et se développer au soleil. Depuis l’Antiquité, elle est aussi et surtout le symbole d’un amour constant et de la longévité des sentiments. La force de l’allégorie est décuplée lorsque cette petite liane dévouée s’entiche d’une stèle ou d’un crucifix. La boucle est pour ainsi dire bouclée avec la devise du lierre : « Je meurs ou je m’attache ». Une seule incertitude subsiste : ce “ou” est-il plus attachant avec ou sans accent ?

UN CONSEIL OPTIMISTE


EN CETTE SOMBRE PÉRIODE DE CRISES ÉCONOMIQUES ET DE TENSIONS INTERNATIONALES, IL EST RÉCONFORTANT DE CONSTATER QUE LA TRADITION RIGOLARDE DEMEURE PROFONDÉMENT ENRACINÉE DANS NOS CAMPAGNES.

ART ÉPHÉMÈRE


Elle est magnifique mais elle ne restera pas longtemps… Avec cette coiffure sublime qui évoque les aigrettes d’un autre temps, ce bel oiseau du Passage Viallet, dans le onzième arrondissement parisien, est l’œuvre d’un artiste inconnu, un de ces virtuoses du street art, déposant subrepticement leur talent au coin d’une rue, sur un mur tout à coup sublimé, et disparaissant dans la nuit aussi furtivement qu’ils sont apparus.

L’œuvre en question a été réalisée sur papier puis découpée et collée sur la façade, à hauteur d’homme. Chacune de ces étapes exige une maîtrise et une habilité hors pair. Le choix du support n’est pas dû au hasard. La couleur crème du mur contraste à merveille avec les tons noirs et gris, plus quelques éclats de blanc, du modèle féminin et de sa parure, à l’élégance presque surréaliste. L’impact visuel et l’effet produit sur les passants sont immédiats. Les gens s’arrêtent, admirent le tableau quelques instants, le prennent en photo et repartent avec un sourire admiratif. Quelques uns se retournent pour jeter un dernier coup d’œil d’un peu plus loin, comme si leur cerveau commandait, pour la route, un dernier shoot de rêve graphique… une ultime dose, comme un piqûre de rappel, de cet art éphémère.