MANUEL BRAUN

PHOTOGRAPHE HUMANISTE

Du mardi 6 février 2024 au vendredi 15 mars 2024, à la Galerie 110 Véronique Rieffel, dans le premier arrondissement parisien, se tiendra une belle exposition signée Manuel Braun. Des rêves de jeunes footballeurs africains, consumés sous le soleil d’Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire, aux aspirations de femmes transgenres, consommées sous le feu des critiques et des regards obliques, en province ou à Paris, l’objectif du photographe est le même. Il recherche, et finit par capturer, un point focal à la fois singulier et pluriel, que symbolise parfaitement l’intitulé significatif de l’expo : “Humanités”.

Sur son site internet (voir le lien en toute fin d’article), cette exploration d’un autre genre est ainsi définie : « T-Girls, femmes transgenres, travestis, transsexuelles comme on les appelle, comme s’il fallait nommer et catégoriser ce qui nous est étranger, est un travail photographique réalisé par Manuel Braun sur le thème de la Transidentité. Pendant plus d’un an, le photographe fait ainsi le portrait de ces femmes qui ont eu le courage d’assumer leur différence et de revendiquer qui elles sont, en leur donnant la parole au travers d’entretiens. En résulte une œuvre sensible, visant à interroger le public et à faire évoluer les consciences. ». Connu, et reconnu, pour ses portraits d’artistes, écrivains, politiciens, philosophes et personnalités diverses, publiés dans de nombreux magazines nationaux et Internationaux, l’auteur a, de toute évidence, une aptitude peu courante à jeter des passerelles entre les personnes qu’il photographie et les personnes qui regardent ses photographies. Que les modèles soient célèbres ou anonymes importe peu. Leur capture libère une autre emprise, sur celui ou celle qui en sera témoin ultérieurement. L’opération peut se prolonger indéfiniment, comme un ricochet d’impressions. Elle peut résonner (et raisonner) longuement dans la boîte crânienne d’un même individu, ou se propager rapidement d’un observateur à l’autre. À l’instar d’un écrivain qui embarque ses lecteurs dans le film de ses récits, Manuel Braun embringue son public dans des développements inattendus. Il fait partie de ces artistes insolites qui, mine de rien, vous en apprennent autant sur vous-mêmes que sur les autres.

Une question de regard ? Probablement. Notre propre regard précède souvent celui de l’autre. Il le détermine aussi. Un bon photographe a le privilège de préparer les regards, et même, parfois, de les réparer, vis à vis de soi-même et des autres. Manuel Braun a l’œil pour modifier les regards. Sa maîtrise technique, notamment de la lumière et du cadre, sert une sensibilité contagieuse, diffusée de façon subtile mais entêtante. Avec lui, on ne peut s’empêcher de se risquer au delà du visible. La série “T-Girls” en est une illustration parfaite. Ces photographies sont presque des biographies. Chaque portrait est unique, mais chaque portrait est constitutif d’un ensemble. Solitaire d’abord, solidaire encore. Comme dans une famille, il y a des différences et des ressemblances. Comme dans la vie, il y a de la distance et de la proximité, des affirmations et des interrogations… et des points de suspension. Ces derniers sont essentiels. Ils fonctionnent comme des filins (on en revient à la notion de passerelle) proposés à qui veut s’en saisir, afin de partager émotions ou atmosphères. En complément de l’exposition photographique, Manuel Braun a réalisé un montage audiovisuel qui assemble les vingt portraits sur une musique d’Ennio Morricone, parsemés de phrases clés, prononcées par certaines des intervenantes. Cette approche quasi-cinématographique, déjà perceptible à travers ses clichés, souligne une des préoccupations majeures de l’artiste : la question de l’identité dans notre société.

Dans ce registre, contrairement à ce que certains pourraient penser, le thème de la transidentité n’était pas une variable facile à apprivoiser. Du clinquant au larmoyant, en passant par le voyeurisme malsain, les écueils à éviter étaient nombreux. Durant deux années, de 2016 à 2017, Manuel Braun a pris le temps d’aller à la rencontre de réalités et d’identités véritables. Avec tact et compréhension, il a tenté d’atténuer certaines méfiances, de retranscrire certaines ambiances, de faire taire certaines appréhensions, de faire parler certains silences. Ce faisant, il a réussi à trouver une profondeur de champ surprenante. Sur un fond qui évoque la nuit, apparaissent au grand jour expressions et convictions touchantes. À chaque fois, surgissent plusieurs ressentis en un. Ce métissage existentiel, mêlant force et fragilité, est l’une des choses les plus compliquées à transposer sur papier glacé. Né à Genève, diplômé des Beaux Arts d’Aix-en-Provence mais résidant à Paris, Manuel Braun avait certes quelques prédispositions à comprendre la complexité du troisième genre. Être un photographe franco-suisse n’est pas facile à assumer tous les jours ! Nous compatissons sincèrement et l’assurons de notre soutien. Et surtout, du début à la fin de son travail, nous lui sommes reconnaissantes de n’avoir jamais trahi notre confiance. Ni travesti notre cause.

La galerie 110 Véronique Rieffel (située au 110 rue Saint-Honoré, 75001 Paris) ne s’y est pas trompé, elle qui a réservé sa première exposition de l’année à Manuel Braun. Le vernissage est programmé mardi 6 février, de 18h00 à 21h00. L’exposition sera visible en ce lieu fort sympathique jusqu’au vendredi 15 mars 2024.

Pour toute information complémentaire sur le travail de l’artiste :

https://www.manuelbraun.fr/

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