TAHITHIDALGO

LES FRAIS DE LA PRINCESSE

Pinocchio était un pantin fait de mauvais bois, qui vit le jour en 1881, sous la plume de l’écrivain italien Carlo Collodi. “Les Aventures de Pinocchio” relatent ses voyages fort hasardeux, durant lesquels il multiplie bévues et mensonges, mensonges lui valant aussitôt un allongement du nez devenu célèbre. Du 16 octobre au 5 novembre 2023, Anne Hidalgo, maire de Paris, a entrepris un voyage fort douteux en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie, sous le prétexte mensonger d’aller inspecter les infrastructures de surf pour les Jeux Olympiques de 2024. Depuis, les ragots quant à la soudaine croissance de son appendice nasal vont bon train. Loin de nous l’idée de propager ces commérages. On ne se moque pas du physique des gens. En revanche, les langues de bois fourchues méritent toute notre attention. Explications…

Alors que le frimas automnal fondait sur la France, avec sa grisaille et son mauvais temps, et que le soleil brillait sur les archipels et les lagons bleus du Pacifique sud, une incroyable expédition, nimbée de dissimulations et de fourberies vaseuses, fut imaginée en les murs d’un palais luxueux. Aux frais de la princesse, la reine de l’hôtel de ville parisien et sa suite embarquèrent en catimini vers les mers de corail et les plages australes. La fine équipe débarqua le 16 octobre à Nouméa, le 20 à Papeete, puis le 22 à Raiatea, dans les Îles Sous-le-Vent. La villégiature dorée, à l’ombre des palmiers et des cocotiers, se prolongea jusqu’au 5 novembre, date d’un retour houleux à Paris.

Le motif officiel invoqué pour justifier ce déplacement exotique et couteux était l’inspection d’un site olympique devant accueillir les épreuves de surf lors des prochains JO de 2024. On croit rêver ! Un scénariste aurait pondu une telle ineptie dans le scénario d’un mauvais téléfilm, on l’aurait immédiatement flanqué à la porte. La fiction a tout de même ses limites… mais, apparemment, pas pour le gratin de la capitale et ses édiles. La ficelle étant malgré tout un peu grosse, fut avancée une précision qui vaut son pesant de cacahuètes. L’étrange voyage comportait en réalité un volet officiel, du 16 au 22 octobre, puis deux semaines de loisirs, jusqu’au 5 novembre ! Nous prendrait-on pour des tanches ? Même ce poisson d’eau douce n’est pas enclin à gober n’importe quoi. Avec la meilleure volonté du monde, de telles sornettes sont difficiles à avaler, d’autant que l’étude un tant soit peu attentive du planning concocté par la team Hidalgo pointe des failles accablantes.

Rappelons que la raison majeure du déplacement officiel consistait en une inspection du site olympique de Teahupo’o, à l’ouest de Tahiti. Pourquoi, dès lors, aller flâner du côté de Nouméa quatre jours durant, suivis d’une journée de transfert via Auckland, en Nouvelle-Zélande, pour n’arriver à Tahiti que le 20 octobre dans la journée, et en repartir le 22 au matin ? ! Ajouté à cela le fait que l’initiative d’Anne Hidalgo n’avait aucune légitimité administrative ou politique, que le site de surf en question relève directement du COJO (Comité d’Organisation des Jeux Olympiques), que son président Tony Estanguet s’était déjà rendu sur place pour le superviser deux mois plus tôt, flanqué de la ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, que l’hostilité locale à l’encontre des nouveaux aménagements n’avait surtout pas besoin d’être relancée par une nouvelle huile sur le feu de la contestation, et l’on comprendra aisément que sa majesté parigote était tout sauf la bienvenue. Elle s’est d’ailleurs piteusement dégonflée au dernier moment et n’est finalement pas allée sur secteur ! Au lieu de cela, elle a filé dare-dare rejoindre sa fille sur l’île de Raiatea, dans l’archipel de la Société, pour y couler deux semaines de vacances bien méritées, le véritable but de cette lamentable mystification.

Au total, la facture de la plaisanterie s’élève (officiellement) à 59.500 euros, dont 41.000 euros de billets d’avion et 18.500 € de frais d’hébergement et de restauration ! Ça fait cher la randonnée touristique. Et ça fait lourd l’empreinte carbone pour des défenseurs acharnés de la cause écologique. Un décaissement à 60.000 balles pour une délégation des six guignols de métropole en goguette d’outre-mer, dans le contexte austère actuel, ça la fout mal. L’absence de communication et de photos sur cette opération décidément mal venue est révélatrice. Sur l’un des rares clichés ayant filtré (ci-dessus) on peut voir la mine ravie des heureux élus, paquets cadeaux de bienvenue à la main, immortalisant le dur labeur des envoyés très spéciaux en terre lointaine. Comble de l’arnaque ès-communication, au même moment était publiée sur Instagram une vidéo d’Anne Hidalgo pédalant sur les quais de Seine, avec cette légende : « Quand les rayons de soleil sont de retour, à Paris, c’est à vélo qu’on les savoure ». Quel magnifique dont d’ubiquité, à 16.000 kilomètres de distance ! Les communicants de la mairie ont dû confondre bicyclette et pédalo.

La longue absence d’un maire de Paris, alors que sa ville est en tension maximale, avec des risques d’attentat ou de manifestations antisémites liés aux événements tragiques survenus en Israël et Palestine, était-elle bien raisonnable ? La coupe du monde de rugby, organisée en France et les matches importants disputés à Paris au même moment ne constituait-elle pas l’occasion idéale, et autrement plus pertinente, de tester la sécurité et préparer l’organisation des Jeux Olympiques dans la capitale ? La duplicité, la cupidité et la malhonnêteté, au moins intellectuelle, du subterfuge imaginé pour travestir la réalité mesquine d’un trip indécent en Océanie peut-elle demeurer impunie ? Les gens les plus privilégiés, à l’abri du besoin, sont-ils toujours les plus vénaux ? Spécialiste des retournements de veste, Anne Hidalgo, d’abord farouchement opposée au JO en France, puis fervente alliée du CIO (Comité International Olympique), ou jurant ses grands dieux de ne jamais se présenter aux élections présidentiels puis, quelques mois plus tard, se déclarant candidate au poste suprême, a-t-elle encore une once de crédibilité ?

Dans le langage codé de son auteur, Pinocchio peut être traduit par “petit crevard”. Au cours de ses pérégrinations, le bamboche en bois se brûla les pieds en voulant se réchauffer près du feu. Il fut transformé en âne et vendu à un directeur de cirque. Il copina avec les pires brigands. Il fut aussi jeté à la mer et avalé par une baleine. Qui sait si elle ne le mena pas en croisière jusqu’à Tahiti ? À force de se noyer dans ses reniements et ses forfaitures, la maire de Paris a-t-elle déjà égaré les clefs de sa ville ? Nombreux sont ceux qui l’ont dans le pif. La gestion catastrophique de la cité, menacée de mise sous tutelle, les aberrations de son urbanisme démentiel, les dissensions municipales croissantes, les promesses électorales non tenues vont-elles bientôt mettre fin à la pantomime ? Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? À trop tirer sur la corde, les marionnettes finissent souvent désarticulées.

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