EVA MARIE SAINT

HOLLYWOOD CENTURY

Elle est née le 4 juillet 1924 à Newark, dans l’état du New Jersey, aux USA. Même pour les moins doués en mathématiques, le calcul est simple ; Eva Marie Saint fête aujourd’hui ses 99 ans ! Si son nom n’est plus très présent dans la mémoire du grand public, il est resté gravé dans le marbre de la grande histoire d’Hollywood. Il figure surtout en haut de l’affiche de chefs d’œuvre du septième art, aux côtés d’acteurs et de réalisateurs illustres. Son visage et son jeu de scène ont marqué toute une génération, sans qu’elle ne revendique le statut de diva internationale, si cher à la plupart de ses concurrentes du moment. Cela n’a jamais fait partie des préoccupations de cette artiste atypique, dont le parcours, tout comme la personnalité, demeure délicieusement singulier.

Eva Marie Saint ne hante pas les studios dès son plus jeune âge. Le cinéma l’intéresse, mais elle ne trace pas un plan de carrière sur grand écran. Elle envisage d’abord une carrière dans l’enseignement et obtient une licence en littérature. Lors de son cursus universitaire, elle étudie l’art dramatique et s’intéresse de plus près au théâtre, qu’elle pratique en amateur. Elle déménage à New York en 1946, et partage ses activités entre publicité, radio et mannequinat. La période d’après-guerre n’est pas facile, mais, comme elle ne fait pas les choses à moitié, elle ne tarde pas à s’inscrire à l’Actors Studio. En 1953, elle décroche un rôle dans la pièce de théâtre “Mémoires du Texas”, qui se joue à Broadway, et se voit décerner le Drama Critics Award. C’est le lancement d’une ascension vertigineuse.

Elia Kazan la convoque pour un bout d’essai lors du casting de son film “Sur les quais”. L’essai est concluant. Le film sort en 1954. Eva Marie Saint donne la réplique au grand Marlon Brando… et remporte l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle ! Elle tourne ensuite dans une comédie avec Bob Hope et George Sanders (“Si j’épousais ma femme”, 1956), puis dans un drame romantique avec Elizabeth Taylor et Montgomery Clift (“L’arbre de vie”, 1957), avant d’être nommée au Golden Globe l’année suivante pour “Une poignée de neige”, un drame abordant le problème de la toxicomanie. En 1959, un autre cap est franchi. Alfred Hitchcock, le maître du suspens en personne, fait appel à elle pour l’associer à Cary Grant dans le cultissime “La mort aux trousses”. Elle livre là une composition magistrale, espionne écartelée entre passion et raison. On en oublierait presque James Mason, également présent dans ce thriller policier, archivé à la bibliothèque du Congrès des États Unis, « en vertu de son importance culturelle, historique et esthétique ». L’année suivante, on la retrouve aux côtés de Paul Newman dans “Exodus”, la fresque historique et engagée d’Otto Preminger, à propos de la fondation de l’État d’Israël. En 1962, son partenaire n’est autre que Warren Beatty dans “L’ange de la violence”, de John Frankenheimer. En 1965, elle partage l’affiche avec Elizabeth Taylor, Richard Burton et Charles Bronson dans “Le chevalier des sables”, de Vincente Minnelli. John Frankenheimer la sollicite à nouveau pour le film “Grand Prix”, en 1966, avec James Garner et Yves Montand. C’est ensuite au tour de Robert Mulligan de l’enrôler dans “L’homme sauvage”, avec Gregory Peck. En quinze ans à peine, et autant de films prestigieux, Eva Marie Saint a tracé un sillon unique, qu’elle a décidé de suspendre à l’orée des seventies.

On pourrait la qualifier de beauté intelligente, mais ce serait encore réducteur tant ses interprétations ont proposé des variations intéressantes et originales, notamment dans les personnages de femmes en apparence fragiles mais à la complexité désarmante, de celles qui transforment une sensibilité touchante en force renversante. En cela, elle s’est démarquée de bon nombre de ses rivales, sans jamais forcer le trait, ni dans un sens, ni dans l’autre. Le fait d’avoir débuté sa carrière cinématographique à trente ans a probablement contribué à l’acquisition rapide d’une plus grande maturité, qu’elle a pu conjuguer avec son talent propre. Elle a vogué loin des écueils fatals aux jeunes premières et supposées ravissantes idiotes. Elle a eu accès, presque naturellement, à des rôles d’une profondeur espérée en vain par une Marylin Monroe. Pourquoi a-t-elle décidé de prendre du recul dans les années 1970 ? Peut-être à cause d’une certaine exigence, étant réputée pour sa rigueur dans le choix des scénarios lui étant proposés. Sans doute aussi pour mieux s’impliquer dans le théâtre et la télévision (tournages de téléfilms), deux domaines dans lesquels elle s’est fortement investie de 1975 à 2000.

Après trente ans d’absence, Eva Marie Saint a tout de même renoué discrètement avec les plateaux de cinéma. On l’a vu réapparaître dans “Je rêvais de l’Afrique” (2000) de Hugh Hudson, avec Kim Basinger et Vincent Perez, dans “Don’t Come Knocking” (2005) de Wim Wenders, avec Sam Shepard et Jessica Lange, et dans “Un amour d’hiver” (2014). Dans ce dernier long métrage, il était insolite de voir son nom côtoyer ceux de Colin Farrell, Russell Crowe et Will Smith. Un passage de témoin entre plusieurs générations. Olivia de Havilland, décédée en juillet 2020 à l’âge de 104 ans, fut longtemps considérée comme l’ultime survivante de l’âge d’or du cinéma hollywoodien. Eva Marie Saint, dans un registre différent, a repris le flambeau. Avec ses deux étoiles sur le Hollywood Walk of Fame, une pour le cinéma et une pour la télévision, et ses 99 bougies flambant neuves, elle n’a pas encore dit son dernier mot.

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