MILLE FEMMES BLANCHES

EN TERRITOIRE CHEYENNE

C’est un roman extraordinaire, rédigé sous la forme d’un journal de bord, ou plutôt de carnets de voyage, un voyage inimaginable ; celui d’une femme issue de la bourgeoisie américaine du XIXème siècle, qui quitte Chicago pour aller vivre en territoire Cheyenne et devenir l’épouse du grand chef Little Wolf. May Dodd, cette héroïne magnifique, va mener une existence de squaw en compagnie de plusieurs amies, toutes blanches, s’étant portées volontaires pour intégrer, avec l’aval du gouvernement américain d’alors, un programme secret intitulé BFI (Brides for Indians – Des Mariées pour les Indiens).

Cette œuvre de fiction prend racine fin 1874, lors d’une visite historique à Washington (bien réelle celle-ci) d’un grand chef cheyenne, Little Wolf, venu entamer des pourparlers avec le président Grant. La teneur exacte de ces propos demeure mystérieuse encore aujourd’hui, mais le roman fait état d’une rumeur mentionnant le troc de mille femmes blanches en échange de mille chevaux ! Cette transaction étrange avait un double objectif : permettre la survie de la tribu indienne en favorisant l’intégration de ses descendants métissés au sein de la civilisation blanche, mais aussi acheter la paix sur un territoire sauvage, volé aux autochtones, et envahi par des colons chercheurs d’or de plus en plus nombreux.

On imagine aisément les critiques et protestations qu’un tel projet eut pu soulever en pleine conquête de l’ouest américain, dans un contexte miné par une Guerre de Sécession encore présente dans tous les esprits et les violents combats en cours avec les tribus indiennes dépossédées de leurs terres ancestrales. Une centaine de femmes va pourtant braver ces obstacles insurmontables en échange d’une liberté bien précaire, mais avec une détermination phénoménale. May Dodd sera leur ambassadrice et leur calligraphe exemplaire…

Avec ce livre, publié en 1998, (la France lui décernera la même année le Prix du premier roman étranger), Jim Fergus dénonce la politique abjecte du gouvernement américain vis-à-vis de ceux qu’il considérait comme des « sauvages » et dont il a bafoué les droits en ne respectant aucun des nombreux accords passés avec eux, et en provoquant l’anéantissement des tribus amérindiennes et de leur culture. Les carnets intimes de May Dodd sont un formidable plaidoyer pour un mode de vie en symbiose avec la nature. Ils développent un point de vue féminin singulier et émouvant, une autre vision du peuple cheyenne. Valeurs humaines, respect des traditions, répartition des tâches, mode de vie nomade, tout y est dépeint avec une justesse et une sensibilité particulière… jusqu’au courage parfois suicidaire des guerriers, la noblesse des chefs, l’abnégation des squaws… jusqu’au sens de l’honneur et la grande naïveté qui a mené la grande nation indienne à sa perte. La véritable civilisation n’est pas toujours là où les historiens la situent.

One thought on “MILLE FEMMES BLANCHES

  1. Je l’ai dévoré l’année dernière ce qui m’a valu des longues nuits blanches.
    Un livre extraordinaire qui fait entrevoir une partie cachée de l’Histoire écrite par les vainqueurs.
    Bravo pour cette mise en Lumière ma belle Brigitte.

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