HAPPY BIRTHDAY

EMMYLOU  HARRIS

Elle a 71 ans aujourd’hui et la beauté de ses 21 ans est toujours présente. Emmylou Harris est née le 2 avril 1947 à Birmingham, au beau milieu de l’Alabama, un des états légendaires du sud des USA. En France, elle n’est pas vraiment une inconnue mais son nom reste strictement associé à un style folk-country alors que cette artiste a évolué sur un registre beaucoup plus large en 50 ans d’une carrière riche de rencontres et d’influences qui lui ressemblent.

Lorsqu’elle s’affranchit de ses études universitaires en Caroline du Nord, les sixties touchent à leur fin et ses rêves d’actrice sont encore un peu flous. Des amis musiciens vont révéler une passion brulante qui couve en elle : celle de la musique. Guitare en bandoulière, elle part faire ses classes dans les clubs de Washington et de New York. C’est la fin du mouvement folk de la Côte Est mais le chemin tracé par Bob Dylan et Joan Baez demeure envoutant. Emmylou enregistre son premier album en 1969. Il s’appelle “Gliding Bird”. Elle signe cinq des dix titres qui le composent, dans une tonalité essentiellement folk. Elle se marie dans la foulée et donne naissance à sa première fille, prénommée Hallie. À ce moment, tout va très vite dans sa vie. Un peu trop peut-être. Son mariage tourne court et cet échec la déprime d’autant plus qu’il s’inscrit dans une période très noire. Durant sa grossesse, qui a interrompu ses activités musicales, le label qui distribuait ses œuvres a fait faillite. Elle tente un pèlerinage décevant à Nashville puis finit par retourner vivre chez ses parents dans le Maryland. La dépression la guette mais elle lui échappe en retournant à Washington. De clubs mineurs en groupes qui se séparent, elle poursuit sa descente aux enfers jusqu’au décès par overdose de Gram Parsons en 1973. Cet ancien musicien des Byrds et des Flying Burritos, avec qui elle collabora deux ans, était le premier marche-pied apparemment stable que le destin semblait lui avoir envoyé pour enfin s’en sortir. Elle s’en servira comme tel malgré le drame de sa mort. Profondément marquée par cette disparition brutale, elle compense en s’immergeant dans le travail et décide d’émigrer sur la Côte Ouest, comme si elle voulait tourner définitivement une page et débuter un nouveau chapitre.




Dés lors, tout va à nouveau s’accélérer. En 1975, elle enregistre “Pieces of the Sky”, un album de reprises (notamment “For No One” des Beatles), qui devient rapidement n°1 dans les charts country et permet de remettre tout le monde sur les bons rails. Emmylou Harris s’entoure de musiciens plus chevronnés (certains ont accompagné Elvis Presley), qu’elle réunit sous le nom de “Hot Band” et qui dorénavant l’accompagnent partout, en studio comme en concert. Bourreau de travail, elle enchaîne alors trois albums coup sur coup, tout en sillonnant les USA puis le monde lors de tournées harassantes. “Elite Hotel”, en 1976, fait à nouveau la part belle aux reprises. Toujours fidèle aux Beatles, elle y interprète cette fois “Here, There and Everywhere”. On ne change pas une formule qui gagne ! La preuve : avec ce disque, elle obtient le Grammy Award de la meilleure chanteuse country. En 1997, sort “Luxury Liner”, dans lequel elle reprend le fameux “You Never Can Tell – c’est La Vie” de Chuck Berry, qui sera son plus gros succès international. Hé oui, les jeunots, cette chanson avait déjà fait un carton bien avant 1994 et la scène de danse de Pulp Fiction, réalisé par Quentin Tarantino. Enfin, “Quarter Moon in a Ten Cent Town” clôt cette sorte de trilogie ascensionnelle en 1978. C’est le cinquième album d’une artiste désormais connue et reconnue. Comme les bonheurs ne viennent jamais seuls, elle s’est marié entre temps à Brian Ahern, son nouveau producteur, avec qui elle a sa seconde fille Meghann.

La suite du parcours d’Emmylou Harris est un enchaînement de passerelles entre compositions et interprétations, entre traditions et innovations, entre fidélités et nouveautés. Folk, country, rock, pop, bluegrass, country-rock ou même country alternative, elle touche à tout sans en avoir l’air et réussit un melting pot sauce Harris à point. Ni trop doux, ni trop épicé. Elle tient le rythme infernal d’un album personnel par an jusqu’en 1990, sans jamais renoncer aux nombreux concerts, ni aux collaborations pourtant chronophages. Ces dernières sont impressionnantes de par la quantité et la qualité des artistes l’ayant sollicitée : Bob Dylan, Dolly Parton, Neil Young, Linda Ronstadt, Roy Orbinson, Willie Nelson, Ryan Adams, Tracy Chapman, Elvis Costello, Mark Knopfler…


Ce qui frappe chez Emmylou Harris, hormis son talent musical et sa voix, c’est une beauté intelligente, une bonté élégante. Cette femme illumine ce qu’elle approche d’une positive altitude. Dégagé à l’indienne ou frangé à l’américaine, son front est noble. Maquillages ou années n’y changent rien. Son port de tête est altier et son regard profond. On sent la légèreté des joies méritées mais aussi le poids des douleurs dissimulées. Elle incarne quelque chose d’une Amérique profonde et moderne à la fois. On aimerait la séduire sans jamais lui faire de mal, être son protecteur en sachant qu’elle est probablement plus forte que nous. Elle communique une générosité discrète qui fait qu’on la désire avec le cœur. C’est une artiste altruiste, l’héritière d’une nostalgie qui n’endort pas les rêves, bien au contraire. Elle est le lien qui espère, encore et toujours, un autre futur. Un ailleurs meilleur tout près de chez soi. Avec un soleil du sud.

La conclusion ne pouvait se faire qu’en musique, grâce à deux titres évocateurs et symboliques, pris davantage au lasso qu’au hasard. Avec “This Old Guitar”, visité en compagnie de Neil Young et Willie Nelson, puis “This Is Us”, interprété aux côtés de Mark Knopfler, Emmylou Harris boucle la boucle. On part des racines country, plus acoustiques, pour dévaler ensuite une partition plus électrique, au rythme d’un train antique lancé à la conquête de l’Ouest.
And for the anglophones, double bonus : buvez les paroles avec votre oreillette gauche en même temps que la musique coule dans votre hémisphère droit.

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