L’IMAGO DU FLAMBÉ

MON ANCIEN NOUVEL AMI


C’était avant les années covid, durant l’été 2018, entre Périgueux et Bergerac. Par delà les jardins et bosquets environnants, je l’avais vu arriver de loin. Sa progression dans l’air chaud du début d’après-midi était élégante, composée par un enchaînement de longs vols planés gracieux et réguliers. Son envergure impressionnante, de 6 à 7 cm, ses ailes triangulaires, à dominante jaune pâle et zébrées de noir, accrochèrent immédiatement mon regard.

Lorsqu’il se posa sur un bouquet de lavande, à quelques mètres de mon hamac, j’eus l’impression de partager avec lui un rare moment de suspension dans l’espace et dans le temps. Un congénère vint le rejoindre et la magie opéra de plus belle. Je m’approchai d’eux afin de les observer de près et de prendre quelques photos. Ma présence ne les dérangeait pas le moins du monde. J’aurais pu les saisir entre mes doigts sans problème, mais je savais leurs ailes si fragiles…

Je comptai six bandes noires transversales, disposées en éventail sur la partie antérieure de leurs ailes, prolongées sur la partie postérieure par des lunules marginales bleues, ainsi qu’un ocelle bleu cerné de noir et coiffé d’un arc orange. Deux magnifiques pointes effilées complétaient l’ensemble de façon magistrale, conférant à ce grand papillon une allure féérique.


En cette fin juillet 2022, aux abords de ce même petit village du Périgord noir où je l’avais rencontré pour la première fois quatre ans plus tôt, la nature me remit en présence de ce splendide animal. Il déclencha la même fascination quasi-hypnotique. Entre temps, je m’étais tout de même renseignée sur ce lépidoptère qui figure parmi les plus grands papillons de jour européens. J’avais appris que son appellation vernaculaire, autrement dit son nom courant, est : le flambé. Apparemment, ce terme fut choisi en référence à une étoffe, le taffetas flambé, dont le graphisme et les motifs chinés rappellent singulièrement ceux ornant les ailes du papillon. Quant à sa désignation scientifique, “iphiclides podalirius”, elle nous fait voyager jusque dans la mythologie grecque : Iphiclides était l’un des Argonautes, compagnons de Jason dans sa quête de la toison d’or, et Podalire était un héros de la guerre de Troie, médecin émérite vanté dans plusieurs récits, dont l’Iliade, et qui compta parmi ses descendants le fameux Hippocrate de Cos, considéré comme le père de la médecine.

On comprend mieux pourquoi le flambé, formidable remède contre la grisaille et la morosité d’une vie citadine saturée en oxydes de carbone, peut attiser un intérêt croissant et entretenir un enchantement ardent lors de chaque moment passé à ses côtés. Quand il a fallu se quitter, la veille de mon retour à Paris, je l’ai regardé s’éloigner en espérant que cela ne serait pas la dernière fois. J’avais lu dans un dictionnaire que les plantes hôtes de sa chenille étaient les cerisiers, pruneliers, aubépines, pêchers et amandiers. Cela tombe bien. Le jardin de mes amis périgourdins en est rempli.

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