RACHEL LEVINE

UNE  POLITIQUE  D’UN  AUTRE  GENRE

Mardi 19 janvier 2021, la nomination de Rachel Levine au poste de ministre adjointe à la santé, au sein du gouvernement de Joe Biden, a été qualifiée de “première historique”. C’est en effet la toute première fois qu’une femme d’origine transgenre accède à un tel niveau de responsabilité dans l’administration fédérale américaine. Une étape primordiale qui s’inscrit dans un parcours brillant. Et qui ne prête le flanc à aucune contestation, de quelque bord que ce soit.


Originaire de Wakefield, non loin de Boston, dans le Massachussetts, Rachel Levine est née Richard Levine le 28 octobre 1957. Son milieu familial est plutôt composé d’hommes de loi, mais la robe d’avocate ne la tente pas. Celui qui n’est pas encore elle s’oriente vers la médecine et se marie. Diplômé d’Harvard et de la prestigieuse école de médecine de l’université de Tulane, en Louisiane, le docteur Levine complète sa formation au centre médical du Mont Sinaï, à New York, en se spécialisant dans la médecine des adolescents et en y officiant de 1988 à 1993. La Pennsylvanie l’accueille ensuite pour lui faire gravir tous les échelons, jusqu’à lui confier la direction de la santé de cet état du nord-est américain, également appelé “l’État Clef de Voûte”, en raison de sa situation géographique entre les États du Nord et les États du Sud, et entre la côte atlantique et le Midwest. De son propre aveu, ce fut la transition la plus difficile de sa vie, alors que son ascension professionnelle s’y est poursuivi de façon constante, confirmée à trois reprises par un Sénat à majorité pourtant républicaine.


Entamant une thérapie au début des années 2000, Rachel Levine confirme sa transition en 2011. Elle divorce en 2013, maintenant d’excellentes relations avec son ex-épouse et ses deux enfants, Dayna et David. Elle tient à rester discrète sur sa vie privée, enchaîne des journées de travail d’au moins 12 heures, 7 jours sur 7. Outre son investissement avec les enfants et les adolescents, elle mène des travaux importants dans plusieurs directions, telles la crise des opioïdes, la marijuana médicale, les troubles de l’alimentation et la médecine LGBTQ. Son expertise dans le domaine médical est unanimement reconnue. Professeure d’université en pédiatrie et psychiatrie, elle s’implique également au sein du  conseil d’administration d’Equality Pennsylvania, une organisation de défense des droits LGBT. Elle est l’une des responsables les plus actives dans la lutte contre la pandémie COVID-19, pointant dès le départ la gravité de la situation et la nécessité de réagir rapidement, avec des mesures telles que les gestes barrières, l’hygiène et le port du masque. Sa compétence et son engagement en ont fait une candidate on ne peut plus légitime au poste de numéro 2 du ministère de la santé américaine, auprès de Xavier Beccera, procureur général de Californie, mais aussi et surtout le premier Hispanique à se voir confier les clés de ce département.

Le nouveau président américain fait de la lutte contre le coronavirus aux USA une priorité du mandat qu’il vient juste d’entamer. Les États Unis sont d’ores et déjà le pays le plus touché au monde par cette pandémie. D’ici peu, le cap des 25 millions de cas va être franchi, ainsi que celui des 450.000 décès. Joe Biden tient à riposter vite et fort : port du masque obligatoire, distanciation physique, tests… et surtout une campagne de vaccination hors normes avec l’injection de 100 millions de doses en 100 jours ! La position hiérarchique qu’occupe Rachel Levine à la pointe de ce combat-là montre bien l’estime qu’on lui porte en hauts lieux. Joe Biden a précisé : « Elle représente un choix historique et extrêmement qualifié pour aider à mener les politiques de santé de notre administration. Rachel Levine apportera le leadership ferme et l’expertise cruciale dont nous avons besoin pour guider les gens à travers cette pandémie, peu importe d’où ils viennent, leur race, religion, orientation sexuelle, identité de genre ou leur handicap. »

Rachel Levine va devoir recevoir l’approbation du Sénat américain pour être confirmée dans ses nouvelles fonctions, ce qui ne saurait tarder à en juger par ses compétences et ses antécédents. Cette promotion revêt une dimension symbolique évidente. Elle contribue à développer une autre image de la communauté transgenre et ouvre des perspectives intéressantes quant à l’évolution de ses droits et son intégration sociale, un enjeu de plus en plus politisé en ce début de XXIème siècle. Qui sait ? Le cinéma  lui-même va devoir songer à sortir des clichés prostitution, boîtes de nuits ou unités psychiatriques  qui collent trop souvent à la peau du troisième genre.

En novembre 2020, Joe Biden avait anticipé cette meilleure intégration des personnes transgenres en les mentionnant spécifiquement lors de son allocution : « Je suis fier de la coalition que nous avons formée ensemble, la plus vaste et la plus diverse de l’histoire : démocrates, républicains et indépendants. Progressistes, modérés et conservateurs. Jeunes et vieux. Urbains, banlieusards et ruraux. Gays, hétérosexuels et transgenres. Blancs, Latinos, Asiatiques, Amérindiens et Afro-américains ». À la même époque, il avait invité une autre personnalité transgenre à rejoindre son équipe : Shawn Skelly, ex-pilote officier de l’US Navy (grade de commandant), déjà recrutée par Barack Obama, au secrétariat de la Défense, en 2013. Une politique d’ouverture qui contraste singulièrement avec celle de Donald Trump, peu sensible, pour ne pas dire hostile, aux personnes transgenres. En 2017, il avait tenté de leur interdire l’accès à certaines filières, notamment l’armée, invoquant « le fardeau des coûts médicaux énormes et des perturbations indésirables ». Le Pentagone l’avait finalement désavoué en 2018, autorisant les personnes transgenres à s’enrôler dès lors que certains critères physiques et médicaux étaient respectés.

Rachel Levine s’engage aujourd’hui dans une autre bataille. Pour l’heure, son ennemi principal se nomme COVID-19. Dans un futur apaisé, que l’on espère prochain, sans doute s’intéressera-t-elle à une réforme du système de santé et de protection sociale pour les plus démunis. Une partie de la communauté LGBTQ en a bien besoin. Selon le National Center for Transgender Equality, 29 % des personnes transgenres aux États-Unis vivraient dans la pauvreté. Donald Trump avait essuyé son premier grand revers politique en essayant de détricoter l’Obamacare, dont le principe général est d’inciter les citoyens américains à disposer d’une couverture de santé convenable. Joe Biden, qui a montré son aptitude à reconsidérer certaines questions sociétales (notamment le droit à l’avortement et le mariage gay), s’inscrit dans un courant plus rassurant et rassembleur. Avec Kamala Harris, une vice-présidente afro-asio-américaine, Deb Haaland, une secrétaire à l’Intérieur amérindienne, Xavier Beccera, un ministre de la santé hispanique et Rachel Levine, son adjointe d’origine transgenre, c’est l’extraordinaire diversité de la société américaine qui est mise en avant. Et sa capacité à réagir collectivement quand il le faut. « La diversité est un formidable atout dans n’importe quelle organisation », affirme Rachel Levine. Elle poursuit : «  Ce qui compte, dans ces temps difficiles, ce sont les compétences et l’expérience. Je veux être jugée sur mon travail et sur ma faculté à améliorer ou protéger la santé publique face à cette pandémie. Je reste concentrée sur cet objectif. Peu importe le genre ou l’orientation sexuelle d’une personne. Franchement, je n’ai pas de temps à perdre avec ces préoccupations, ni avec l’intolérance. Actuellement, nous sommes en proie au même problème et nous devrons nous en sortir tous ensemble ». L’union fait la force, quelle que soit la transition.

 

2 thoughts on “RACHEL LEVINE

  1. Un signe d’espoir … des signes pareils on en a bien besoin par les temps qui courent !!!
    Je croise les doigts que par la qualité de son travail elle réussisse à faire taire les homophobes, encore trop nombreux aujourd’hui.
    En tout cas félicitations à cette très belle personne !!!!!!

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