DU CATCH À LA MATERNELLE

FRENCH  HOPE


Il y eut d’abord un article dans Le Parisien, fin juin 2019. Il y eut ensuite un reportage sur France 3, en septembre dernier. Amale Dib, professeure des écoles en maternelle, y révélait sa passion pour le catch et son pseudonyme sur le ring : French Hope. Double identité assumée et portrait touchant, avec une belle dose d’humilité et de sincérité. Son parcours atypique, sa discipline de vie et ses qualités personnelles, tant physiques que psychologiques, ne pouvaient que forcer le respect, voire l’admiration. C’était sans compter l’étroitesse d’esprit de certains, qui ont aussitôt exigé son exclusion de l’enseignement !

Depuis, Amale Dib a été mise en arrêt maladie et remplacée par “un enseignant fixe”. Des parents d’élèves ont saisi l’inspection académique, estimant que son activité dans ce sport-spectacle était totalement incompatible avec son métier d’enseignante. À Clermont, dans l’Oise, on ne badine pas avec le corps enseignant… qu’il vaut mieux ne pas montrer trop musclé ! Avant que les médias n’en fassent état, la “double vie” (si toutefois on peut la nommer ainsi) de la jeune femme n’avait pourtant jamais posé de problème à personne. Le directeur de son école la décrit comme « une personne très douce avec les enfants. Je ne l’ai jamais vue énervée, elle n’a pas un mot plus haut que l’autre… ». Quand on la voit officier dans sa classe, voix douce et posée, sourire bienveillant et T-shirt à l’effigie de Mickey, on comprend vite que sa patience et sa bienveillance à l’égard des enfants n’a pas de limite.

Évidemment, dans la salle de musculation, où elle soulève 130 à 150 kg de fonte, sur les tapis d’entraînement, où elle pratique aussi le MMA (Arts Martiaux Mixtes), et enfin sur les rings où elle combat, on n’est plus vraiment dans le monde des Bisounours. Si l’on ne veut pas se faire découper en tranches dès le premier coup de gong, mieux vaut se la jouer terreur du ring. Tel Jekkyl avec Hyde, la petite institutrice se mue alors en une redoutable guerrière, n’hésitant pas à endosser le rôle « de la méchante qui tape sur tout ce qui bouge ». Cela fait partie du show, au même titre que les costumes de Superwoman, les paillettes et les postures ou mimiques de circonstance. Grossie par la loupe des projecteurs et des caméras, c’est sans doute cette dimension qui a poussé certains étriqués du cervelet à exiger la démission de l’enseignante. Ces mêmes parents, qui n’ont peut-être jamais pris le temps de lire un livre de contes pour enfants à leur progéniture, ont décidé de bannir cette maîtresse un peu trop singulière et médiatique à leurs yeux. Jalousie et délation vont souvent de pair. La lâcheté complète le trio. Aucun de ces parents exemplaires n’a accepté de témoigner ni de sortir de l’anonymat.

Contacté par les journalistes de France 3, le rectorat a simplement précisé qu’Amale Dib était en arrêt maladie depuis le 14 octobre et que l’inspection académique était saisie de l’affaire. Si celle-ci fait jurisprudence, il va falloir renvoyer tous les profs de gym qui font aussi de la boxe ou du karaté, limoger les instits qui ont un permis de chasse et les conducteurs de bus qui s’adonnent au karting ou au motocross. Il est évident que ces activités sont incompatibles avec la sécurité et le bon développement des enfants dont ils ont la charge. En attendant, ses petits élèves qui l’adoraient, et qui lui faisaient des câlins lorsqu’ils réussissaient bien leurs exercices, ne reverront plus leur maîtresse d’école. Lorsqu’ils avaient appris qu’elle était aussi catcheuse, certains lui avaient dit qu’ils étaient trop contents d’avoir une prof super héros. Leur seul tort a été de le répéter à leurs parents.

De son côté, libérée de certaines contraintes, Amale Dib n’aura peut-être plus à jongler avec deux emplois du temps exigeants pour satisfaire des hypocrites bien ingrats. Son seul regret concernera les enfants. Abandonner l’enseignement lui coûtera sûrement, mais pourra également lui ouvrir d’autres perspectives professionnelles. Allemagne, Angleterre, Canada, USA, ses déplacements de catcheuse seront probablement moins épuisants. Du haut de ses 25 ans, celle que l’on surnomme French Hope dans les galas internationaux, collectionne déjà plusieurs titres majeurs, et les ceintures rutilantes qui vont avec : championne de la fédération française de catch professionnelle, championne de l’Europe Catch Tour Association, championne de la Wrestling Kult (fédération allemande) et championne de la wXw. Initialement, son nom de catcheuse était Amale Winchester. Winchester pour sa fulgurance et sa rapidité, telle une balle qui sort du canon d’un fusil, Amale parce que son prénom signifie “espoir” en langue arabe. Une dualité qui la caractérise parfaitement et qui est raccord avec son nouveau surnom : French Hope. Clin d’œil du destin et première étape vers une carrière outre-Atlantique ? C’est tout le mal que l’on peut lui souhaiter dorénavant. Et qu’un beau jour, French Hope catch son rêve américain.

2 thoughts on “DU CATCH À LA MATERNELLE

  1. « C’était sans compter l’étroitesse d’esprit de certains, qui ont aussitôt exigé son exclusion de l’enseignement » – dites-vous : oui sans doute possible, c’est vrai, mais pas que ! La réponse du Rectorat est minable et voire même non conforme à la loi !
    – Minable, parce que le Rectorat ne défend pas la sportive, ne valorise pas le fait que “le sport est également un formidable outil éducatif, de mixité sociale et est porteur de valeurs de fraternité et de respect”, comme on dit officiellement :
    https://www.gouvernement.fr/action/le-sport-un-formidable-outil-au-service-de-la-citoyennete
    Minable puisqu’il l’a fait mettre en maladie alors qu’elle n’est pas malade (abus ou détournement de droit dont la sportive pourrait se faire sanctionner, surtout dès qu’elle reprendra les matches), donc l’oblige implicitement à ne plus jouer tout en lui retirant son poste sous la pression de gens aussi ineptes que lui, des gens qui crient “cocorico” un soir de victoire et tuent le lendemain et au quotidien la femme ou l’homme sportif !
    – Position du rectorat non conforme à la loi :
    https://www.gouvernement.fr/action/un-statut-juridique-pour-les-sportifs-de-haut-niveau-et-professionnels
    Ses résultats comptent-ils pour rien ? Ne la placent-ils pas dans la catégorie des “sportives et sportifs français de haut niveau (qui) portent avec fierté les couleurs de la France” ?

    “Dans d’autres pays, on considère les sportifs, c’est ce qui manque en France” dit Émilie Andéol à la fin de la vidéo dans cet article :
    https://www.eurosport.fr/judo/apres-son-temoignage-bouleversant-emilie-andeol-a-retrouve-un-travail_sto7563121/story.shtml

    Avant ou après des victoires et une période sportive, c’est la galère – quelques soient les lois existantes, sauf évidemment pour quelques exceptions dont les médias se font l’écho avec empressement, laissant habituellement sous silence les autres, sauf s’ils se prêtent au jeu…

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