BOLSONEGRO

JAIR  BORSALINO

L’affaire Macron-Bolsonaro ne m’avait pas particulièrement intéressée durant l’ultime semaine aoutienne. Un coup de fil d’une amie brésilienne modifia totalement mon attitude : « Brigitte, je te laisse un petit message pour te dire qu’il ne faut pas faire attention à ce que dit et fait notre président. Beaucoup de Brésiliens ne se reconnaissent pas en lui. Il nous fait honte. Ce mec est complétement taré. En France, vous ne vous en rendez pas encore bien compte, mais c’est un fou dangereux pour toute la planète. Il ne va provoquer que des ennuis. Des gros ennuis. Et en plus, je crois qu’il est un peu con… » Pourquoi cette amie, qui ne m’avait jamais parlé de politique jusque là, éprouvait-elle le besoin de me mettre en garde et de désavouer aussi catégoriquement celui qui dirige son pays ?

J’ai voulu comprendre dans quelles conditions le président brésilien, peut-être un peu con,  avait été désobligeant à propos de Brigitte Macron. Tout a démarré avec une publication  sur Facebook d’un certain Rodrigo Andreaça. Ce triste sire, qui fait partie de la meute hélas grandissante des haineux d’internet, a publié un montage-photo des deux couples présidentiels, français et brésilien, dans lequel Brigitte Macron n’apparaissait pas vraiment à son avantage.  Il y a ajouté ce commentaire insultant et sexiste : « Vous comprenez maintenant pourquoi Macron s’en prend à Bolsonaro ? ». Sous-entendu : le président français ennuie le président brésilien (divergences à propos de la crise écologique et la gestion désastreuse de la forêt amazonienne, notamment lors des derniers incendies catastrophiques) parce que sa femme est plus vieille et moins jolie. Le propos en lui même est tellement bas et douteux qu’il ne vaut même pas la peine qu’on s’y attarde. Or, que fit Jair Bolsonaro ? Le 24 août dernier, il le commenta en personne sur son compte Facebook, en insistant lourdement sur sa vulgarité : « Ne l’humilie, pas mec. Kkkkkkk » ! Le Kkkkkk peut être traduit par une expression à mi-chemin entre le lol et le mdr (mort de rire). On évolue dans le summum du bête et méchant. Premièrement parce que l’écart d’âge entre Brigitte Macron (66 ans) et son mari (41 ans) est moindre qu’entre Michelle (37 ans) et Jair (64 ans) Bolsonaro. Le terrain était donc miné pour le butor brésilien, qui n’avait vraiment pas intérêt à s’y aventurer, sous peine de se voir retourner l’argument en pleine tronche. Et être caricaturé en tant que vieux beau ayant ratissé la jeunette grâce à son fric ou sa position sociale. Deuxièmement, parce qu’il parait incroyable qu’un chef d’état ait pu s’abaisser à un tel niveau de crétinerie planétaire sans penser aux conséquences, comme le ferait une bande de potaches pubères ou un ramassis de piliers de comptoir.

En étant un tout petit peu finaud, et un rien machiavélique, si cette plaisanterie de très mauvais goût lui plaisait tellement, il lui aurait suffi de charger quelques sombres sbires de la monter en épingle et le tour était joué. Il parvenait à ses fins sans prendre aucun risque, en restant tranquillement à couvert. C’est ce que tout intriguant disposant d’un minimum de jugeote aurait fait. Au lieu de cela, il s’est ridiculisé en première ligne et a déclenché une gigantesque vague de protestations au sein même de sa nation. De nombreux Brésiliens et Brésiliennes se sont déclarés atterrés et dépités par un tel comportement. Sur les réseaux sociaux et dans les médias, les excuses et les messages de soutien en faveur de Brigitte Macron ont afflué de toutes parts. Résultat : le 28 août, soit quatre jours après l’avoir publié, Jair Bolsonaro a été contraint de retirer son commentaire imbécile. Un fiasco complet pour l’arroseur arrosé, qui parvient de plus en plus difficilement à éteindre les incendies qu’il déclenche.

L’étendue des dégâts est déjà impressionnante et l’on se demande comment un homme aussi médiocre a bien pu être élu grand commandeur de l’ordre et du progrès. Ses déclarations et ses prises de positions sont un florilège d’idées rétrogrades et malsaines. En 2011, il affirma : « Je préfèrerais que mon fils meure dans un accident de voiture plutôt qu’il soit homosexuel. Pour moi, il serait de toute façon mort. Si un couple homosexuel vient s’installer à côté de chez moi, ils vont faire baisser le prix de l’immobilier ». Dans la même veine, à une actrice noire qui lui demandait ce qu’il ferait si son fils tombait amoureux d’une femme de couleur, il avait répondu : « Je ne vais pas parler de promiscuité ni avec toi, ni avec personne. Ça ne risque pas d’arriver, car mes fils ont été bien élevés et n’ont pas grandi dans le type d’environnement qui a malheureusement été le tien. » En 2017, lors d’une conférence après la visite d’une communauté de descendants d’esclaves, Bolsonegro enfonça le clou avec cette énormité : « L’afro-descendant le plus léger pesait 80 kg. Ils ne font rien. Ils ne servent même pas à la reproduction ».

Lorsqu’une sénatrice du PSOL (Parti socialisme et liberté, classé à gauche), avait demandé qu’une enquête soit ouverte sur Jair Bolsonaro pour éclaircir certains agissements et déclarations incitant à la haine et à la violence, ce dernier avait déclaré : « Je ne répondrai à cette demande que sur du papier toilette car le PSOL est un parti de connards et de pédés ». En 2014, la députée du Parti des travailleurs (PT) Maria do Rosario, qui avait osé évoquer la question des viols durant la dictature militaire, avait eu droit à un traitement encore plus violent, dans l’enceinte même de l’Assemblée. Bolsonaro avait conclu par : « Moi, je ne te violerai pas. Tu ne le mérites même pas. »

Son avis sur les femmes et leur place dans le monde du travail est on ne peut plus clair : « C’est une disgrâce d’être patron dans notre pays, avec toutes ces lois du travail. Entre un homme et une femme, que va se dire un patron ? Cette femme a une alliance au doigt, dans peu de temps elle sera enceinte, six mois de congés maternité (…) Qui paiera l’addition ? L’employeur. » Au cas où l’on aurait pas compris sa conception très étriquée de la hiérarchie homme/femme, il prend l’exemple de ses enfants en ricanant : « J’ai quatre garçons. Pour le cinquième, j’ai eu un coup de mou et ça a été une fille ».

En juin 2016, sur Radio Jovem Pan, celui qui dirige aujourd’hui le plus grand pays d’Amérique du sud avait assèné une certitude qui fait froid dans le dos : « L’erreur de la dictature a été de torturer sans tuer » ! Son approche des questions humanitaires rejoint celle de la justice avec une constance consternante. Dès 1999, il la martelait avec rage :  « Pendant la dictature, il aurait fallu fusiller quelques 30.000 corrompus, à commencer par le président Fernando Henrique Cardoso (président de 1995 à 2003), ce qui aurait rendu un grand service à la Nation. » Il ne s’agit plus d’incitations à la violence mais de véritables appels au meurtre.

Intolérant, raciste, homophobe, misogyne, outrecuidant et vaniteux, Jair Bolsonaro cumule les travers tout en affirmant qu’il va remettre son pays dans le droit chemin. Borsalino, Bolsonegro, Bourse Noire… ma copine déforme souvent son patronyme en le cantonnant du côté obscur de la force. Petite revanche désespérée. On se demande que souhaiter pour le Brésil de Bolsonaro ? Peut-être simplement qu’un de ses concurrents ait les mêmes idées que lui. Et finisse par les appliquer pour lui prouver leur efficacité.

 

Le nouveau président brésilien Jair Bolsonaro, nostalgique de la dictature et partisan de la manière forte, a multiplié depuis trois ans les provocations dans ses discours.

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