CHIENNE DE VIE

AUSSI  FIDÈLE  QU’UNE  CITATION ?


« PLUS JE CONNAIS LES HOMMES, PLUS J’AIME LES CHIENS »

Est-ce une citation ou un aveu ? Aveu teinté d’un reproche androphobe… On l’a attribué à des personnes aussi différentes que Jules Renard, Brigitte Bardot, Mark Twain, Erik Satie, Fernand Gravey, et même Vladimir Poutine ! À l’occasion, la phrase fut déformée en : « Plus je connais les gens, plus j’aime les chiens » ou encore : « Plus je connais les hommes, plus j’aime mon chien ». Des variantes qui ne nuancent guère la misandrie du propos. Il semble que la véritable paternité (devrait-on dire maternité ?) de la formule  revienne à Madame de Staël. C’est elle qui accoucha la première de cette saillie littéraire.

Romancière et philosophe genevoise, fille du banquier Jacques Necker (qui deviendra ministre des finances de Louis XVI), baronne de Staël-Holstein, cette femme de lettres à la vie sentimentale assez mouvementée s’attira l’hostilité des hommes puissants de son temps, ne supportant guère sa vivacité intellectuelle. À commencer par Napoléon 1er, qui la déclara interdite de séjour en France. Elle dut composer avec les passions, les déceptions, les exils et les trahisons mais demeura fidèle à une ligne de conduite mêlant curiosité et romantisme.

Nul doute qu’à ses yeux, la gente canine surpassa en maintes occasions son homologue masculine. Sans partager intégralement son opinion, les hommes ont tout de même quelque utilité, je goûte assez le sens  premier de sa déduction. Dans sa relation avec l’humain, le chien a ceci de remarquable qu’il délaisse le superficiel pour ne s’attacher qu’à l’essentiel. Par essentiel, j’entends l’essence même de l’être. Que vous soyez en mode tailleur sexy / talon aiguille ou perfecto / santiag, un chien vous aimera toujours pour ce que vous êtes et non selon votre paraître. Son attachement, sa fidélité, son attention, sa joie de vous retrouver et de vous accompagner en tous lieux et toutes circonstances sont entières dès lors que vous lui accordez un peu de votre temps. Rien ni personne ne peut dégrader cette relation en votre absence, si longue soit-elle. Peu d’humains sont capables d’une telle constance et d’une telle loyauté.

Que ce soit avec les miens ou ceux de mes amis, j’ai toujours entretenu une relation particulière, quasi-fusionnelle, avec les chiens. Chien loup ou berger, chien fou ou chien de garde, chien errant ou chien savant, bâtard ou policé, j’aime leur regard quand ils cherchent le mien et qu’ensemble on voit plus loin. C’est notre chasse gardée. Anne-Louise-Germaine Necker, dite Madame de Staël avait certainement du chien elle aussi. Peu importe finalement que les chacals de son époque l’aient exclue de leur meute. Elle n’a rien perdu. Elle a gagné du temps, elle qui en eût si peu, fauchée à 51 ans à peine, le 14 juillet 1817.
« Quand on ne sait pas hurler avec les loups, il ne faut pas vivre avec eux », disait-elle.

 

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