JUPITÉRIEN !

SUR  LE  TOIT  DU  MONDE

Kevin Mayer avait une revanche à prendre. Il l’a prise, et avec elle le record du monde du décathlon, ce dimanche 16 septembre à Talence, en Gironde. Au mois d’août dernier, lors des championnats d’Europe qui se déroulaient à Berlin, le Français avait connu l’une des plus grandes désillusions de sa carrière. Grandissime favori du concours, il avait du quitter la scène prématurément après avoir complétement manqué l’épreuve de saut en longueur, mordant ses trois essais consécutifs. Le grand public, au moins aussi déçu que le champion, n’avait pas compris cet échec.

Lors du Décastar de Talence, l’un des grands rendez-vous internationaux de la discipline, le natif d’Argenteuil a prouvé que dans le sport comme dans l’existence, les victoires se construisent sur les défaites. Et plus ces dernières sont cuisantes, plus les conquêtes qui les effacent sont grisantes. Avant lui, ils n’étaient que deux décathloniens à avoir franchi la barre des 9000 points. Le Tchèque Roman Serble avait été recordman du monde en 2001 avec 9026 points. L’Américain Ashton Eaton, qui a pris sa retraite début 2017, avait porté ce record à 9045 points fin août 2015. Le Français lui succède avec un total de 9126 points, soit 81 unités de mieux. Un écart abyssal à de tels sommets.

Le décathlon, c’est autre chose que de pousser un ballon. À elle seule, son étymologie (du grec “déka” : dix et “âthlos” : concours) gronde comme un défi herculéen. La discipline combine, dans l’ordre, 100 m, longueur, poids, hauteur, 400 m, 110 m haies, disque, perche, javelot et 1500 m. C’est un monument de l’athlétisme digne des héros mythologiques. C’est un mont Olympe du sport que peu de champions peuvent gravir avec une telle détermination. Il n’y a pas trop de deux journées pour en venir à bout et à chaque fois les concurrents terminent sur les rotules, complétement rincés par les efforts consentis. L’excellence doit être conjuguée avec la régularité.

Comme un symbole, avec 7,80 m (soit 1010 points), Kevin Mayer a amélioré son record personnel dans l’épreuve du saut en longueur qui lui avait été fatale il y a quelques semaines. De même avec un 100 m expédié en 10″55 (soit 963 points) et un lancer de javelot à 71,90 m (soit 918 points). En effaçant une barre à 2,05 m en hauteur et 5,45 m à la perche, il montre bien l’incroyable degré de performance qu’il faut sans cesse renouveler pour dominer son sujet tel qu’il le fait au niveau mondial.

Demain après-midi, il ne descendra pas les Champs Élysées sous les acclamations de la foule en délire. Il ira sans doute tranquillement, et presque anonymement, acheter son journal en banlieue parisienne. Médaillé d’argent aux Jeux Olympiques de Rio en 2016, champion du monde en titre (Londres 2017) et désormais recordman du monde de décathlon, il a pourtant accompli à lui seul un exploit plus important que d’autres, qui ont dû s’y mettre à 23 pour obtenir le tiers de son palmarès. Un truc de dingue, soldé par une gratification médiatique et financière cent ou mille fois moindres. Alors que pour lui, la difficulté est invariablement décuplée.

 

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