AVIS DE RECHERCHE

WANTED



La photo ci-dessus est extraite du reportage intitulé “Trans-Mission”, paru dans le numéro d’avril du magazine Causette. À l’époque, tout était rose. Je courais partout et n’avais que faire des orages soudains ou des vents contraires. J’étais sereine et enjambais les obstacles au pas de course, même quand il n’y en avait pas. Mais tout ça, c’était avant…

Avant le 5 juin 2017. Ce lundi là, vers 19h19, je descendis d’un taxi en face du numéro 37 de la rue du Faubourg du Temple, dans le dixième arrondissement. Il faisait lourd, presque étouffant. Je saisis mon sac à main de la droite, après avoir jeté sur mon bras gauche la longue écharpe et le faux imper noirs pris en prévision d’un retour nocturne bien plus frais. Je lançai un regard sur la banquette du taxi avant de refermer la portière. Aucun oubli en vue. Je traversai rapidement la rue et pénétrai dans le hall du Palais des Glaces, où se tenait la 25ème édition de l’Eurovartovision, une parodie truculente du concours de l’Eurovision (voir articles précédents, en date des 3 et 8 juin derniers).
Arrivée remarquée ; une silhouette d’1m90 en tailleur cintré, résilles noires (le nylon n’était pas supportable par cette chaleur) et talons aiguille, ne passe guère inaperçue. Retrouvailles avec quelques proches et plusieurs amis perdus de vue, remise de badge et documents réservés aux membres du jury… Ces quelques minutes de distraction turbulentes furent le théâtre d’un drame dont je ne m’aperçus qu’une fois gravis les escaliers des loges. Ma belle et longue écharpe noire aux fines franges délicates avait disparu ! Je redescendis aussitôt dans l’entrée du théâtre et interrogeai plusieurs personnes à proximité des guichets. Personne n’avait rien vu ni trouvé. Je refis en sens inverse le petit itinéraire de mon arrivée. Sans résultat. Ayant prévenu quelques personnes de l’accueil et de l’organisation, je me résolus à plonger dans la soirée avec l’espoir d’une belle surprise à la sortie. En vain.
Faisant part de ma déception à Gertrüd, une amie bon chic troisième genre ayant animé la soirée en Jean-Paul Gaultier, celle-ci me posa la question : « Elle était comment ton écharpe ? Elle était belle ? » D’un trait, je précisai : « C’est une écharpe noire ajourée, avec de fines et longues franges à chaque extrémité. Oui, c’est une très belle écharpe. » Sa réponse tomba comme un couperet : « Alors, tu ne la retrouveras pas ! » Guillotinées mes dernières illusions d’un monde honnête et prévenant. Une autre amie crut bon de surenchérir : « Oui, je suis certaine que c’est quelqu’un qui l’a ramassée et empochée tout de suite. Les jalouses et les rapiats, c’est pas ce qui manque à Paris »…

Dans le taxi qui me ramenait chez moi, je tentai pour la énième fois de me souvenir d’un détail, d’un indice, d’une image. Comment ne m’étais-je rendu compte de rien ? Quand mon écharpe avait-elle glissé et échappé à mon attention ? Qui avait bien pu la récupérer à mon insu ? Pourquoi personne n’avait rien vu ni ne m’avait prévenue ? J’en vins presque à douter de l’avoir emportée. J’étais sure de n’avoir rien laissé dans le premier taxi. Peut-être était-elle déjà tombée en silence sur mon palier, alors que je fermais ma porte à clé ? Dans ce cas, j’allais la retrouver. Mais rien dans la cage d’escalier, ni sur le palier, ni à l’intérieur de l’appartement, sur le lit, le porte manteau, la chaise du bureau…



J’ai tenté toutes les hypothèses, jusqu’aux plus irrationnelles. J’espérais m’entendre dire : « Quelle conne ! Finalement, je l’avais laissée ici ! » Mais ma belle écharpe n’est pas réapparue. Je me suis lancée dans un démaquillage mécanique en tentant de refouler le trop plein de souvenirs associés à cette étroite pièce d’étoffe fétiche. Elle m’avait accompagnée pendant vingt ans ! Je l’avais parfois oubliée chez des amis, mais elle m’était toujours revenue. En me glissant dans mes draps, je me souvins m’être parfois endormie avec elle pendue à mon cou. Les objets ont une âme. Lovée autour de ma gorge, à mi-chemin entre mon cœur et mon cerveau, mon écharpe est imprégnée. Cette complice qui a connu tant de situations, d’êtres et de vibrations chargés de sens et d’affects dans ma vie, ne peut disparaître ainsi.
Dès le lendemain, j’ai appelé le Palais des Glaces pour savoir si quelqu’un ne l’avait finalement pas rapporté au guichet. Une jeune femme sympathique me répondit qu’on leur avait bien confié une écharpe, mais elle était de couleur violette et d’un aspect assez quelconque. Gertrüd avait raison.
Depuis plusieurs jours, je gamberge. Je m’endors mal. Je pense à elle et cela doit être réciproque. Je me suis donc décidée à lancer un avis de recherche personnalisé :

Missing : Longue et belle écharpe noire, avec fines franges à chaque extrémité, disparue le 5 juin 2017, entre 19h20 et 20h00, au théâtre du Palais des Glaces, 37 rue du Faubourg du Temple, à Paris, dixième arrondissement, est activement recherchée par sa propriétaire. Signalement illustré et corroboré par les trois photographies jointes à cet article.
Récompense alléchante, en nature ou en numéraire, promise à toute personne pouvant fournir des renseignements permettant de la retrouver, ou mieux encore, pouvant la raccompagner saine et sauve jusqu’à son foyer familial.


 

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