TRANS – MISSION

UN  JOLI  BRIN  DE  CAUSETTE

                                   © William Beaucardet ,   pour Causette.


Entre Causette et Brigitte Boréale, c’est une histoire de presque dix ans. Des noces d’étain un peu allumées. La première étincelle fut briquée par un petit kiosquier du douzième arrondissement, aujourd’hui disparu. « Vous qui aimez les trucs un peu ‘’borderline’’, me dit-il, vous devriez essayer Causette. C’est pas que j’en vends encore beaucoup, mais j’aime bien les personnes qui me l’achètent. Et moi qui ne lis pas souvent la presse féminine, je m’y suis laissé prendre deux ou trois fois… »

Je lui ai demandé ce qu’il entendait par ‘’borderline’’. Il m’a répondu que, d’habitude, il n’aimait pas les mots anglais mais qu’en l’occurrence, il employait celui-ci pour remplacer le mot “décalé”, tellement déprécié à force d’être rebattu (déjà) sur tous les tons. Cela m’a intriguée et amusée à la fois car mes réminiscences universitaires renvoyaient plutôt ce terme de borderline vers un trouble de la personnalité, une impulsivité majeure doublée d’une instabilité émotionnelle et relationnelle. Mais le trouble des uns peut se révéler la fulgurance des autres.
J’ai donc acheté mon premier exemplaire de Causette. C’était le numéro 5, moins dispendieux qu’un Chanel en cette année 2009 qui touchait à sa fin. La baseline qui ponctuait le titre – plus féminine du cerveau que du capiton – m’avait séduite. La couverture mettait en scène une sympathique brunette menottée sur fond de rideau métallique baissé. Elle tentait de récupérer maladroitement la clé de ses bracelets, serrée entre ses  quenottes. Posture scabreuse, presque licencieuse, barrée d’un gros titre en lettres blanches : Déchaînées (?)

Je m’étais jetée sur l’édito avec impatience mais aussi, il faut l’avouer, la crainte d’être déçue. Que nenni ! Aujourd’hui, mon numéro 5 s’est évaporé depuis longtemps, entre rangements, dérangements et déménagements, mais les hasards d’internet m’ont restitué ce texte récemment. Pas une vergeture ! Jugez-en par vous-mêmes :

« Le féminisme, c’est comme le ménage. Si on ne s’y colle pas régulièrement, on finit par s’habituer à la crasse. Mais on se passerait bien de la corvée. On préfèrerait regarder les autres s’en occuper. De mon côté, je pense avoir trouvé ma solution : je ne milite pas pour le féminisme, je vis le féminisme. Au quotidien, à chaque seconde sur laquelle passent mes actes et ma pensée. Non sans avoir remercié ma mère pour ses victoires passées, tout en remettant un soutien-gorge parce que, il faut l’avouer, le poids du symbole est moins lourd à porter que celui de mes seins. Merci encore maman, vraiment. Quoique, je n’avorte pas tous les jours et vote un peu moins souvent. Une fois de temps en temps, comme tout le monde. Mais c’est agréable d’avoir le choix. J’aime cette liberté de choisir mon président et mes amants, de prendre position ou de laisser mon monde se débrouiller sans moi. Il faut sauvegarder tout cela et en profiter, sereinement, car le fondamentalisme du temps des grandes manœuvres me rebute et me fait peur.
Ainsi m’a-t-on souvent demandé si j’étais féministe ; par le seul fait de mon existence, par essence, oui. Féministe parce que femme, pas partisane. La moitié de l’Humanité n’a pas à justifier sa quête d’égalité, elle doit la prendre, sans complexes ni argumentations. On n’est pas partisan d’une évidence, on s’y résout. Et non, je ne m’énerve pas! La conviction qu’il me fallait faire ce numéro presque entièrement consacré au féminisme est née dans la bouche de mes sœurs : «Je ne suis pas féministe, mais…» Je reste coite. Comment tant de femmes ont pu en arriver à affirmer ne pas être pour la défense de leurs droits ? Personnage de basses mœurs que je suis, j’aurais tendance à y voir un certain goût pour les menottes… Les vraies raisons sont probablement moins tordues.
C’est indéniable, le féminisme est ringard. La peur fantasmée de la harpie aux aisselles habitées est bien ancrée. Il est donc grand temps de dépoussiérer la notion et d’épiler les inconscients, de remettre le concept au goût du jour et de l’épouser comme une posture permanente, un réflexe, une norme. »

©  Causette

Causette n° 77 vient de sortir en ce début d’avril 2017. Printemps debout et toutes voiles dehors ! Depuis sa fondation, la revue a fait un bon petit bout de chemin. Dès 2012, elle est devenue le premier magazine féminin à être reconnu « publication d’information politique et générale » par le ministère de la culture. L’année suivante, le Syndicat des éditeurs de la presse magazine lui a décerné son prix ‘’Coup de Cœur’’, à l’unanimité du jury. 2013 a été une année porte-bonheur sur tous les plans : l’OJD (Office de Justification de la Diffusion) lui a attribué l’étoile de la meilleure progression de vente en pourcentage (entre 2011 et 2012). En 2014, rebelote, cette fois en tant que meilleure progression de vente en volume (de 2012 à 2013). Progressivement, Causette a accru son lectorat et on n’a plus eu besoin d’expliquer son ADN en la citant. Les unes du mag ont tiré la couverture à elles sur les présentoirs des librairies. Elles se sont fait leur place aux côtés de leurs grandes sœurs, plus frivoles et friquées, de la mode et de la beauté. Miser sur le reportage, l’humour, le portrait, l’interview, le dessin et les textes un peu chauds plutôt que les clichés sur papier glacé n’a finalement pas été un si mauvais calcul. Certaines initiatives malicieuses, genre élection des quiches d’or, ont fait le reste auprès des médias et du grand public.

De mon côté, je le confesse, il m’est arrivé quelquefois de m’éloigner un peu, de douter, d’être ponctuellement en désaccord sur certains sujets et de céder, en guise de représailles, aux avances tarifées de certaines concurrentes. Où commence et où finit la prostitution ? On en est toutes là, consciemment ou inconsciemment. Résidant à quelques rues de la rédaction, parfois m’est venue l’idée d’aller faire ma pipelette chez Causette. Je n’ai jamais franchi le pas de la porte. Début 2015, autre clin d’œil du destin, Causette a ouvert sa “boutique des arts ménagés” à cent mètres à peine de mon domicile. Ce lieu atypique est un carrefour convivial qui promeut débats, expos, ateliers, projections, dédicaces… On peut aussi y dénicher des produits insolites dans la mouvance Causette : affiches, vêtements, gadgets, articles divers et bien sûr magazines, anciens ou nouveaux. Mi 2016, sachant que j’allais intégrer la nouvelle équipe du Grand Journal de Canal +, aux côtés de Victor Robert, je me suis plu à imaginer un reportage ou un événement commun. Un départ en fanfare, un brassage de machine à laver et le temps a encore filé. La vie baratte les joies et les peines. À la grande exaltation des directs quotidiens succéda la déchirure du décès de mon père, quelques jours avant Noël. Abîme déroutant qu’il faut assumer, en ravalant ses larmes alors que le monde s’apprête à festoyer. Et en pensant à ce qu’on ne dira pas quand, les semaines suivantes, on vous souhaitera une bonne et heureuse année.

Causette est réapparue sur mes écrans fin janvier 2017. Travaillant un texte sur la journée internationale des droits des femmes, que je savais ne plus présenter sur Canal, je me suis souvenu que le premier numéro de Causette avait été lancé le 7 mars 2009, à la veille de cette date symbolique. Du Grand Journal au magazine féministe, il n’y eut qu’un clic de souris. Le 2 février, la rédaction accusait réception et m’invitait à une soirée où je ne pus malheureusement me rendre. J’ai su que le texte avait plu et n’en demandais pas plus. Le numéro de mars était forcément déjà bouclé. On fait souvent les choses trop tard, mais l’essentiel reste de les faire. Mon histoire avec Causette me plaisait bien comme ça. Un dialogue sans paroles, fait de connivences en avance et de possibles au futur. Bien mieux qu’un conditionnel.

                    ©  Manuel  Braun ,    pour le GIGGN.

J’étais déjà lancée sur le projet GIGGN, le Groupement International des Grandes Gueules Nyctalopes. Avec une escouade du troisième genre (transsexuels, travestis, transformistes…), nous peaufinions une campagne parodique dans la lignée de celles menées autour de Pierre Dac en 1965 et de Coluche en 1981. Nous ne nous doutions pas que les politiques de 2017 allaient nous préparer un terrain à ce point caricatural. Un travestissement incroyable de nos pochades avec leurs réalités. Au sortir d’un tournage, je découvris un message de Laurence Garcia, journaliste-productrice à France Inter, et collaboratrice régulière de Causette, qui m’informait d’une proposition fort opportune : un portrait de Brigitte Boréale dans Causette ! Le mois de mars ne pouvait pas mieux commencer. Pareil pour avril !

Au sein du GIGGN, une copine qui croit dur comme pierre (sic) en la numérologie me fit remarquer que ma relation avec Causette se prolongeait maintenant sous le signe magique du 7, heureux présage et gage prémonitoire de réussite. Devant mon air dubitatif, elle m’asséna quelques arguments massues : « 7 jours de la semaine, 7 couleurs de l’arc en ciel, 7 merveilles du monde, 7 péchés capitaux, 7 notes de la gamme, chandelier à 7 branches… Même que le 7 apparaitrait 77 fois dans l’Ancien Testament ! Et toi, non seulement tu as été retenue pour le numéro 77 de Causette, mais ton portrait est publié en page 14, soit 2 x 7 ! Tu es donc sous le signe d’un double double 7 ! Et comme le 7, qui est nombre de chance, indique un changement de cycle accompli, c’est sûr et certain, tu es en plein renouvellement positif. En plus, tu as vu le titre qu’elles ont choisi : Trans-Mission ! C’est quasiment biblique… Quelle relation magnifique… »

Là, évidemment… Quand la rédaction de Causette apprendra que nous avons une relation biblique… J’ai laissé Albertine Einstein se perdre dans la relativité de ses calculs en solo. Je ne lui ai pas dit que lorsque mon libraire m’avait remis le magazine, nous étions le 7 avril et que j’avais failli jouer à l’EuroMillion, avant de me raviser, sept secondes plus tard. Je n’ai pas non plus évoqué Blanche Neige et ses nains, James Bond et son matricule, le petit Poucet et ses bottes, Tintin et ses boules de cristal, le cinéma et ses mercenaires, sans compter la célèbre nationale de Charles Trenet. Cela risquait de nous emmener bien trop loin. J’ai préféré abréger la discussion et prendre congé rapidement. J’avais quelques heures de sommeil en retard. Le lendemain matin, à sept heures tapantes, mon téléphone me réveilla en sursaut. D’une voix pâteuse, je risquais un “Allô” très démaquillé. Instantanément, je reconnus le débit mitraillette de ma copine : « Allô, Brigitte ? Tu devineras jamais ce que je viens de découvrir ! Ce matin, j’ai relu ton portrait dans Causette. Il se termine page 17 ! »

J’ai failli raccrocher assez bestialement mais elle ne m’en a pas laissé le temps. Elle a aussitôt enchaîné avec la cerise sur le cheesecake : « Et tu sais pas quoi ? Accroche-toi bien. J’ai une grande nouvelle pour toi et pour le GIGGN en même temps. Tu connais la date du second tour des élections présidentielles ? J’ai bien vérifié et je te le donne en mille : c’est le dimanche 7 mai 2017 » !!!



                                 ©  Causette

 

Encore plus d’infos sur le GIGGN en cliquant sur le lien suivant :

fb.me/Brigitte.Boreale.et.le.GIGGN

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Et l’épisode 1 de la campagne médiatique du GIGGN sur sa chaîne YouTube :

 

 

 

 

 

2 thoughts on “TRANS – MISSION

  1. Un texte à convaincre les ScEPTiques. À faire naître un huis-clos entre Causette et Brigitte. À faire peau neuve au Printemps plutôt qu’en hiver. Un indice de succès futur…

  2. GGIGN. “G” septième lettre de l’alphabet. 7 lettres pour écrire GILBERT. Sceptique ? Non. Septaculaire.

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