Iga Świątek

POLAND  GARROS

Elle a avancé masquée tout au long de la compétition ! Inconnue du grand public il y quinze jours à peine, Iga Świątek vient de remporter l’édition 2020 de Roland-Garros à 19 ans et 4 mois. Personne n’aurait parié un zloti sur ce pronostic et pourtant, la jeune joueuse polonaise a survolé la compétition avec une maturité contrastant avec son jeune âge. Elle entre dans un cercle très fermé dont on espère ne pas la voir sortir de sitôt.

Occupant le 54e rang mondial avant le tournoi français, elle va faire un bon phénoménal au classement WTA (Women’s Tennis Association), sa victoire la propulsant illico presto à la 17ème place mondiale ! Elle devient par la même occasion  la joueuse la moins bien classée de l’histoire de Roland-Garros étant parvenue à remporter ce trophée si convoité. Un record supplémentaire à porter à son crédit. Plus jeune gagnante du tournoi depuis Monica Seles en 1992, elle a réussi l’exploit de ne perdre aucun set sur l’intégralité du tournoi, égalant ainsi la performance de Justine Henin en 2007. Rejoindre ces deux championnes dans les annales du tennis féminin en dit long sur ses perspectives d’avenir.

Lorsqu’au premier tour, elle avait sèchement battu (6-1, 6-2) la Tchèque Markéta Vondrousovà, tête de série n°15 et finaliste de l’édition 2019, certains s’étaient posé des questions sur la méforme de son adversaire. Lorsqu’en huitième de finale, elle avait sorti la n° 2 mondiale sur le même score sans appel, les spécialistes avaient commencé a réviser leur jugement sur cette nouvelle venue et son palmarès. Son parcours chez les juniors refit surface avec brio : à 15 ans, elle remporta le premier tournoi professionnel auquel elle prit part, à Stockholm, après être sortie des qualifs. En 2016 et 2017, elle fut quart de finaliste à Roland-Garros. En 2018, elle fut demi-finaliste de Roland-Garros puis remporta Wimbledon. L’année 2019, plus mitigée, la vit intégrer rapidement le Top 100 mondial, ce qui n’est déjà pas une mince affaire, mais un problème récurrent à une cheville ralentit sa progression. 2020 la fait sortir de l’ombre avec l’éclat d’une victoire dans un tournoi du grand chelem.

Difficile d’imaginer un tel exploit de la part d’une lycéenne venant de décrocher son diplôme de fin d’études secondaires, elle que beaucoup avaient encore du mal à considérer comme une professionnelle à part entière, à commencer par son propre entraîneur, Piotr Sierzputowski : « Je la considérais alors comme semi-pro ou semi-amateur, parce qu’elle étudiait comme tout le monde. Elle suivait les cours, elle passait ses examens… Le tennis passait au second plan, ce n’était pas la partie principale de sa vie. C’était difficile. Imaginez : je devais programmer ses entraînements à sept heures du matin, parce qu’elle devait aller à l’école après. Elle arrivait à l’entraînement fatiguée, et je lui demandais pourquoi. Je lui demandais si elle avait bien dormi et elle me répondait, “non, j’ai travaillé une partie de la nuit” ».

La tête et les jambes… en sachant que dans le sport de haut niveau, l’un ne va pas sans l’autre. Iga Swiatek l’a bien compris. Depuis deux ans, elle s’est attaché les services d’une ancienne navigatrice devenue une psychologue du sport : Daria Abramowicz. De l’aveu de la jeune championne, ses conseils et son soutien ont été d’une grande utilité : « Elle me comprend de A à Z, elle me rend plus intelligente et grâce à elle, je gère beaucoup mieux mes émotions. C’est important car l’aspect psychologique constitue une grande partie de ce jeu. Tout le monde peut jouer à un très haut niveau. Mais les meilleures, ce sont celles qui restent les plus fortes mentalement. »

Le résultat a été probant lors de sa finale à Roland-Garros. Concentrée, sereine, déterminée, elle n’a montré aucune faiblesse. Techniquement et mentalement, elle n’a laissé poindre aucune faille dans laquelle son adversaire aurait pu s’engouffrer. Sofia Kenin avait pourtant remporté son premier tournoi du grand chelem, l’Open d’Australie, en début d’année. N° 6 mondiale, bien mieux classée que sa rivale polonaise, l’Américaine avait également fait forte impression jusqu’à la finale. Elle n’a pas su, ou pas pu (un problème à la cuisse a nécessité l’intervention du médecin et la pose d’un strapping lors du second set) endiguer les assauts de sa challenger. Quand, à la fin du dernier échange, l’arbitre a annoncé « Jeu, set et match Iga Swiatek », l’héroïne du jour s’est accroupie au milieu du court. En appui sur sa raquette durant quelques secondes, elle a pris sa tête entre ses mains et a esquissé un petit hochement presque incrédule. La réalité venait de dépasser son rêve. Cet instant unique était précieux et sa façon de célébrer, d’une sobriété touchante, la rendait encore plus sympathique. Rien à voir avec les exagérations exhibitionnistes de certains footballeurs. Au contraire, cette attitude plus humble et respectueuse avait un petit air de famille avec celle d’un ancien roi de même cette terre battue, Bjorn Borg, qui tombait souvent à genoux pour célébrer ses grandes victoires.

L’ultime moment où la jeune Iga s’est laissé gagner par l’émotion intervînt lors de son petit discours d’après match, quand on lui demanda d’évoquer ce que son père, ancien athlète de haut niveau qui fit carrière dans l’aviron, lui avait apporté. Elle ne put trouver les mots en anglais mais les regards qu’ils échangèrent (son père et sa sœur étaient présents en tribune) suffirent à démontrer à quel point cette relation demeure primordiale.
Interrogée plus tard sur ses objectifs prioritaires, elle répondit avec lucidité : « Je n’ai que 19 ans et je sais que mon tennis n’est pas totalement abouti. Le plus gros challenge pour moi va être de rester régulière. C’est cela qui pose problème dans le tennis féminin ». Elle ajouta un commentaire laissant penser que les conditions particulières de ce Roland-Garros 2020 avaient pu jouer en sa faveur. « Je me suis habituée à jouer sans public. Je ne sais pas comment j’aurais réagi si le court avait été plein de spectateurs. C’est difficile à dire. » La preuve sans doute que l’on n’est jamais sûr de pouvoir bien gérer la pression imposée par les grands événements sportifs. On peut surfer sur la vague du succès ou sombrer d’un coup en se laissant submerger par les émotions parasites. Mais de toute façon, en tennis comme en aviron, il faut s’attendre à ramer des jours et des jours pour enfin décrocher le Graal.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *