LIGHT ALOOF

INCANDESCENCE

Dans la continuité des précédents articles édités sur ce sujet brulant, et afin de respecter mon engagement pro-menthols extra-longues dans le camp du MRAP (Mouvement de Résistance des Allumeuses Professionnelles), je publie régulièrement des éléments flamboyants en faveur d’une tabacomanie libérée et libérale. Cette semaine, je convoque un allié de choc en la personne de Bob Fosse, génial chorégraphe, cinéaste visionnaire et illustre metteur en scène des grandes comédies musicales américaines de feu le vingtième siècle.

Ce danseur étincelant était aussi un acteur et un réalisateur plein de finesse et d’intelligence dans l’art de la surprise et du mélange des genres. Broadway le consacra très tôt comme un maître incontesté de la chorégraphie moderne. On pourrait qualifier son style de perpétuel métissage visuel et musical. Jazz, charleston, cancan, marches, danses latinas et européennes… modernes ou anciennes, baroques ou dépouillées, fluides ou syncopées, bon nombre d’influences riches et variées sont consumées dans un même brasier de créativité.

Intitulé “The Aloof”, autrement dit “Le Distant”, l’extrait présenté ici provient du film Sweet Charity, réalisé par Bob Fosse en 1969, adapté de la comédie musicale éponyme qu’il créa trois ans plus tôt. Sur une musique originale de Cy Coleman, compositeur talentueux et complice malicieux, Fosse distille une atmosphère délicieusement hâlée, nimbée de dandysme et de second degré. Les hommes sont outrageusement cambrés et les femmes paradent les épaules en arrière. Tous prennent la pose et ondulent dans une magie esthétique faite de contrastes et de correspondances. Chemises à jabot, gilets et vestes cintrées, mini-robes et collants noirs, bijoux et maquillages clinquants… tout est rigoureusement too much. Et cette science de l’allumage ! Avec ou sans fume-cigarettes. Et cet art de l’enfumage ! Avec une insolence désinvolte qui rend sympathique le maniérisme le plus affecté.

Décors antiques, postiches et rouflaquettes, gloss cosmétiques et volutes décadentes : l’étui à chimères est parfait. Je pourrais savourer des heures durant cette pluralité singulière passée au shaker d’une gestuelle parfaite, d’une sensualité évanescente. Elle m’inspire. Elle m’aspire. L’illusion enflamme la réalité. Rien n’est vrai mais tout est juste. C’est un flirt avec filtre dans une autre société, une hot aristocratie à la fois essentielle et dérisoire. Inspirations profondes embrumées d’exagérations enivrantes. Cela nous tue en même temps que cela nous fait survivre. C’est cela aussi le plaisir de la cigarette.

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