URSIDÉS

LA  PEAU  DE  L’OURS

Pom, pom, pom, pom, pom, pom…

J’entendis cela par dessus mon épaule, le week-end dernier, alors que j’arpentais la rue des Lombards, entre chiens et loups. Stupeur et ravissement ! Un grizzly du marais, spécimen impressionnant : 1m98 sous la toise (rares sont les mâles qui, malgré mes talons de 12cm me contraignent à lever la tête !) fredonnait l’air de “Bonne nuit les petits” et me grommela gentiment : « Faut pas avoir peur des nounours »…

Nounours… d’où ça vient ça ? Inutile de chercher dans les contes de Grimm ou d’Andersen. Aucune chance non plus de le surprendre dans les bras du Petit Poucet ou de Riquet à la Houppe : Charles Perrault était déjà mort depuis deux siècles que l’ours en peluche n’était pas encore né ! L’apparition du nounours, le Teddy Bear des anglophones, ne date que du XX° siècle… USA et Allemagne l’ont pratiquement inventé en même temps !

Novembre 1902, le président Théodore Roosevelt chasse dans le Mississippi. Un de ses assistants déniche un ourson. Il l’isole dans un arbre pour que le président puisse l’abattre et ne pas revenir bredouille. Indigné, Roosevelt ordonne qu’on libère le pauvre ourson. L’histoire fait le tour des Etats-Unis, un caricaturiste en fait une esquisse, un marchand de jouets crée une peluche brune, réplique de l’ourson épargné. Et bingo ! Le Teddy Bear (du surnom de Roosevelt) est né.

La version allemande est très différente. Margarete Steiff, atteinte de polyomélite, veut produire un ours avec de la peluche mohair, cherchant l’équivalent chez les garçons de la poupée chez les filles. Elle l’appelle également “Teddy”. En 1902, cet ours totalement articulé séduit un acheteur new-yorkais qui en commande 3000 ! Le prototype a disparu des archives, mais les anciens nounours Steiff s’arrachent encore à prix d’or (30.000 à 160.000 €).

J.K. Farnell, une des premières compagnies à produire des Teddy Bears, en vendit un à Londres en 1921, chez Harrods, pour le premier anniversaire d’un petit Christopher. Son père s’en inspira pour créer un certain Winnie l’Ourson. Parmi les autres ours célèbres, on peut également citer : Paddington, Baloo, Michka, Colargol, les Bisounours, et évidemment Nounours (Bonne nuit les petits)… Ours dyslexique : Edouard Baer. En français, l’origine du terme nounours est obtenu par redoublement enfantin de ours, avec agglutination du n de l’article indéfini un (un nours). Ce nom masculin hypocoristique désigne un petit ours et surtout un ours en peluche, avec des emplois extensifs et figurés,  tel que un gros nounours en parlant d’un homme d’une certaine corpulence, souvent placide ou débonnaire.

On compte en moyenne cinq peluches pour un enfant français, dont 85 % sont des ours. Son aspect humanoïde (taille moyenne et bras articulés) correspond au besoin d’embrassement et de possession de l’enfant. Plus l’ours est velu, plus il a de succès. Ce qui nous ramène au bon gros teddy bear du marais ! Espèce peu commune, en voie d’apparition dans l’hexagone, mais très répandu en Allemagne, Grande-Bretagne, Hollande et aux USA. Pas une grande ville outre-atlantique qui n’ait son mouvement, ses bars, ses discos, ses moto-clubs, ses défilés annuels d’ours gais.

Les Bear Burst et Bear Pride proclament leur Monsieur Ours de l’année à New-York, San-Francisco, Londres ou Munich. Le Bear de base est un individu plutôt grand, type rugbyman ou déménageur, visage rond ou carré, pelage brun, blond, roux, noir ou blanc, mais large d’épaules avec un torse massif, des bras costauds, des jambes imposantes. La trentaine passée, barbe, moustache, toison pectorale jusqu’à la fourchette sternale, air bonhomme mais pas commode, mal léché mais pas méchant, il s’habille en XXL et exhale un étrange mélange de force et douceur.


Au-delà de 50 ans, avec début de calvitie et quelques kilos en plus, l’air un peu las et le poil grisonnant, voire argenté… c’est un ours blanc : Daddy Bear, chez les Anglais. Plus jeune et plus petit, plus enrobé aussi, ce nounours est appelé Chubby Bear ou encore Teddy Bear. De 20 à 30 ans, moins fatigué mais moins fort, à peu près aussi velu mais plus dynamique, voire surexcité sur les pistes de danse des cavernes branchées, il est ciblé ourson : Cub pour nos incontournables amis anglo-saxons.

Le charme du nounours peut agir sur les femelles, les trans ou les autres ours, preuve qu’il est fait de sensibilité et virilité mêlées. Etre ours n’est pas seulement question d’apparence. C’est aussi un état d’esprit, une façon d’être et de vivre. L’ours est un individu généralement paisible, tranquille, qui trouve difficilement sa place dans les lieux surpeuplés. Placide et entier, son aspect sécurisant rejoint celui de l’ours en peluche, impliqué dans de multiples réactions de transfert et d’identification.

Combien de nounours ont participé aux premières manifestations érotiques ? Ont recueilli des confidences intimes ? Ont sublimé des relations inattendues ? Ont consolé des gros chagrins ? Ont absorbé des tensions sournoises ? Et ont collé des grandes baffes quand ils en ont eu assez !!!

Prudence donc si vous en réveillez un brutalement, sans galette ni petit pot de miel. Encore que les grandes baffes de nounours, en tant que remède contre les insomnies, ça peut s’avérer plus rapide et efficace que le marchand de sable !

8 thoughts on “URSIDÉS

  1. Très bien tout celà. Mais l’histoire ne dit pas ce qui est advenu de cette rencontre. Fût-elle fortuite ou entraîna-t-elle une suite entre la Dame qui croisait ce spécimen et le nounours de nuit en question. Pom-pom-pom- pom………………

    1. Il ne peut vraiment y avoir de suite dans une telle période, car les ours, c’est bien connu, entrent rapidement en hibernation tout au fond de leur tanière.

      1. N’étant pas de cette race d’ours, si ours il y a en moi. L’hibernation n’est pas mon fort. Et, même si la chaleur m’est plus intime, j’aime à apprivoiser le froid, qui, parfois donne des sensations piquantes et qui invitent à s’emmitoufler avec de belles créatures. La nuit n’est pas une cure de sommeil mais une pensée douillette.

        1. Ma copine Candy a longtemps eu la même conception de la nuit, parenthèse sensuelle et douillette… jusqu’à ce qu’elle change de tanière et que les ronflements nocturnes de son nouveau grizzly mettent définitivement fin à ses rêves. Au propre comme au figuré.

          1. Tout un débat autour de la réintroduction de l’ours. En ville s’entend. Prêt à en débattre autour d’un pot……..et pas obligatoirement de miel….quoique !!!

Répondre à Gaillard Philippe Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *